Il faut que le dogme politique saute : vous tous, élus, devez-vous poser la question de la sécurité au sein de nos prisons, trop longtemps balayée d'un revers de main par peur des préjugés, de la stigmatisation… Mais, à force d'attendre, nous avons vingt ans de retard : voilà bien longtemps que les personnels de surveillance ont signalé la force du prosélytisme et l'importance de la radicalisation islamique en prison.
Il va aussi falloir arrêter d'aller voir chez nos voisins ce qui s'y passe, ce qui n'y marche pas. La France est la sixième puissance mondiale : prenons les rênes de notre destin et soyons au rendez-vous de l'Histoire ! Les événements tragiques du mois de janvier nous ont montré que le danger est bien là.
Actuellement, le ministère de la justice étudie le cas d'une vingtaine de détenus à Fresnes. Mais il faut arrêter de croire qu'il n'y a qu'une poignée de détenus radicalisés, même à Fresnes ! Leur nombre est bien plus élevé. Il y a aussi différents niveaux de radicalisation : il ne faut pas se contenter d'observer de près les détenus condamnés pour des faits de terrorisme ; il faut envisager le problème de façon beaucoup plus large.
Nos collègues de Fresnes se demandent comment agir avec les détenus radicalisés, qui ne sont pas repérés comme terroristes, pas ciblés par l'administration, mais qui continuent de se livrer au prosélytisme. La radicalisation est aujourd'hui un phénomène viral, et c'est pourquoi nous proposons de regrouper les détenus concernés dans un seul établissement, afin de former des personnels spécialisés. On pourrait d'ailleurs imaginer d'autres établissements spécialisés, à but sanitaire par exemple ; aujourd'hui, Château-Thierry accueille par exemple des personnes souffrant de troubles psychopathologiques importants. Ce regroupement, dans un établissement spécialisé, des détenus radicalisés n'a jamais été essayé. Vous nous dites, monsieur le député, que cela n'a pas marché en Irlande : mais pourquoi cela ne marcherait-il pas en France ? Nous n'avons pas la même histoire, la même culture, les mêmes préoccupations que les Irlandais ou les Danois. Nous n'avons d'ailleurs pas toujours les mêmes moyens non plus : en Suède, pour 5 000 détenus, il y a 5 000 surveillants ! En France, nous avons 25 000 surveillants pour 68 000 détenus. Soyons donc précurseurs.
Quant aux téléphones portables, ils ne servent pas aux détenus pour entretenir des liens avec leur famille : ils servent à entretenir leur business. L'objectif est donc d'empêcher ces téléphones d'arriver dans les prisons, notamment en abrogeant l'article 57 de la loi pénitentiaire de 2009. Il est tout à fait possible de le faire et de rétablir les fouilles à corps lors des retours de parloir – il suffirait de s'en donner les moyens.
Sur le fond, il y a une évolution des pratiques de recrutement : il y a vingt ans, les détenus issus du GIA s'affichaient comme islamistes – avec grandes barbes, tenues traditionnelles et appels à la prière. Malgré les alertes lancées par les surveillants, l'administration a laissé faire. L'islamisme s'est donc répandu. Aujourd'hui, la radicalisation a changé : un meneur prosélyte se rase la barbe... La maîtrise des médias – à commencer par YouTube – des groupes islamistes internationaux se retrouve en prison. Il faut avoir conscience de cette très grande capacité d'adaptation. Dès lors, le travail d'observation est primordial, mais impossible à réaliser aujourd'hui parce que les personnels de surveillance exercent leur métier dans des établissements surpeuplés, dans lesquels la simple gestion des flux occupe tout leur temps. Avec toujours moins de moyens et toujours plus de détenus, le guet-apens se referme sur eux.