Nous recevons cet après-midi M. Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur. Je lui souhaite la bienvenue, ainsi qu'à notre collègue sénatrice Nathalie Goulet, présidente de la commission d'enquête du Sénat sur l'organisation et les moyens de la lutte contre les réseaux djihadistes en France et en Europe.
Notre commission d'enquête, qui vient de commencer ses travaux, a été créée à la suite de la demande déposée en octobre 2014 par le groupe UMP, pour évaluer de manière aussi exhaustive que possible les phénomènes djihadistes et la manière dont ils sont suivis par les services de l'État – en particulier les vôtres, monsieur le ministre. Nous en avons sollicité la création à la suite des conditions controversées du retour en France de trois djihadistes qui, revenant de Turquie, ont atterri à Marseille alors qu'ils étaient attendus à l'aéroport de Paris Charles-de-Gaulle. La commission d'enquête a été installée le 17 décembre et notre collègue Patrick Mennucci a été nommé rapporteur.
Nous soulignions, en demandant la constitution de cette commission, les graves risques qui pesaient sur la France, disant notre volonté de trouver des solutions efficaces pour les contrecarrer. Depuis lors, des actes barbares ont malheureusement frappé notre pays les 7, 8 et 9 janvier. Nos travaux commencent donc dans un contexte tristement inédit. Il nous impose de veiller à ce que l'unité nationale qui s'est exprimée de façon exemplaire face à ces actes odieux continue d'irriguer nos échanges ; c'est dans cet état d'esprit que j'entends conduire les auditions.
Je tiens, monsieur le ministre, à vous féliciter pour votre action exemplaire au cours de ces événements et, à travers votre personne, l'ensemble de vos services et des autres services de l'État ainsi que ceux des collectivités locales – les pompiers notamment – mobilisés dans ces circonstances tragiques.
L'objectif de notre commission est, sur la base d'une évaluation que nous voulons la plus complète possible des dispositifs de prévention, de détection et de lutte contre le terrorisme, de formuler des propositions constructives permettant de mieux protéger nos concitoyens contre la menace terroriste. Nous vous poserons donc des questions générales sur ces dispositifs, et nous vous demanderons de dresser l'état des lieux des filières et des individus djihadistes.
Le Premier ministre a signalé ce matin une augmentation de 130 %, en 2014, du nombre des individus recensés comme étant directement ou indirectement impliqués dans une démarche qui peut s'assimiler à l'appartenance à une filière djihadiste ou à une approche djihadiste, sur le territoire national ou à l'étranger. Quelles raisons expliquent selon vous cette progression d'extraordinaire ampleur ?
Dans le respect du cadre légal régissant les travaux d'une commission d'enquête parlementaire, des procédures judiciaires ayant été ouvertes sur les événements de début janvier, nous vous interrogerons moins sur le déroulement de ces affaires que sur certaines failles évoquées par le Premier ministre lui-même, non point dans un esprit polémique mais parce que, si failles il y a, nos questions et les réponses qui y seront apportées doivent permettre de mieux les évaluer, puis de les combler.
Avant de vous donner la parole, monsieur le ministre, je vous demande, conformément aux dispositions de l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, de prêter serment de dire toute la vérité, rien que la vérité.
(M. Bernard Cazeneuve prête serment)