Les rapports que j'entretiens avec les cultes sont fondés sur le respect rigoureux des principes de la laïcité qui enjoint au ministre de l'intérieur d'entretenir avec chacun d'eux une relation institutionnelle, en se tenant à distance de tous et en n'en privilégiant aucun. La laïcité, c'est le droit de croire ou de ne pas croire, et c'est la garantie pour chacun, dès lors qu'il a fait le choix de sa croyance, qu'il pourra l'exercer librement. La laïcité est le toit de la République en ce qu'elle permet à tous ses enfants d'être accueillis en son sein en faisant le libre choix, par l'exercice leur esprit critique, de leur religion et de leur croyance.
J'ai donc, monsieur Jibrayel, des relations régulières avec le CFCM et, plus largement, avec l'islam de France. Elles devront être approfondies et amplifiées. Il faudra d'abord favoriser l'expression de tous ceux qui professent en France un islam de tolérance, ceux qui, pour reprendre l'expression du Premier ministre, permettent à l'immense majorité des musulmans de France de se retrouver dans leur religion sans jamais en avoir honte en raison des dévoiements auxquels procèdent certains radicaux.
Nous devons impérativement favoriser une formation théologique de haut niveau – que nous ne pouvons ni financer ni organiser - de nos imams, car plus élevée sera leur qualification théologique, plus forte sera la garantie d'un enseignement de qualité. Nos imams doivent avoir accès à des diplômes universitaires dont l'obtention suppose l'acquisition de connaissances approfondies des principes de la laïcité et du droit républicain ; c'est pourquoi nous multiplions les formations civiques.
Enfin, il serait très utile que la Fondation pour les oeuvres de l'islam de France en vienne à gérer les activités d'intérêt général de ce culte ; cela n'a pas encore abouti.
Tels sont les axes de notre réflexion à ce sujet.
Les signalements émanant de la plate-forme font l'objet, monsieur Pietrasanta, d'une extrême attention des préfets et des procureurs, qui mobilisent l'ensemble de l'administration territoriale pour les traiter. Les informations collectées, auxquelles s'attachent des clauses de confidentialité, remontent chaque semaine à l'Unité de coordination de la lutte anti-terroriste (UCLAT) et mensuellement jusqu'à moi. L'UCLAT les transmet à l'état-major que je réunis chaque semaine et qui rassemble les principaux directeurs généraux. Certaines de ces informations sont utiles à la définition des politiques publiques. La réflexion engagée sur la nécessité de renforcer la coordination entre les services me conduira à parfaire ce dispositif et à le rendre encore plus efficace, en garantissant la circulation de plus d'informations utiles et de plus d'analyses croisées, qui nous permettront, en hiérarchisant toujours mieux les risques, d'ajuster nos actions de contrôle et de surveillance.
Le traitement psychologique est un sujet déterminant. Les préfectures mobilisent des équipes mobiles à cette fin. Le comité interministériel de prévention de la délinquance, tout comme la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes) auprès de laquelle est placé le Centre de prévention contre les dérives sectaires liées à l'islam, participent fortement à ces actions.
Des dispositifs européens puissants ont été mis au point pour démanteler les trafics d'armes mais cela ne suffit pas. Aussi avons-nous décidé, en liaison avec Europol qui dispose d'outils informatiques importants, de renforcer la lutte contre ces trafics. La coopération entre les services de police de l'Union permet de contrôler aussi les trafics qui ne passent pas par Internet. Ces trafics ont une dimension européenne : l'analyse des attentats commis à Paris montre que les armes utilisées ont été importées, parfois après avoir transité d'intermédiaire en intermédiaire, à partir de stocks provenant notamment d'Europe de l'Est. L'Union européenne veut s'organiser, en liaison avec nous, pour que ces stocks d'armes soient prélevés avant d'être écoulés. Nous sommes engagés sur cette voie de manière déterminée et je me propose, monsieur le président Ciotti, de vous faire parvenir demain une note à ce sujet, qui alimentera votre rapport et permettra à votre commission d'enquête de faire d'autres propositions si elle le souhaite.
Nous sommes tout aussi résolument engagés dans la création du PNR, monsieur Prat. La Commission et le Conseil européens sont tombés d'accord sur un texte. Il a été transmis à la commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures du Parlement européen, qui n'a pas accepté d'engager le trilogue pour l'instant. Je vous l'ai dit, les parlementaires européens considèrent que la création du PNR doit être contrebalancée par de nouveaux dispositifs de protection des données personnelles. Je pense un accord possible. J'ai évoqué cette question hier avec Thomas de Maizière, mon homologue allemand, et nous avons l'intention d'agir de conserve en rencontrant le rapporteur du texte et les dirigeants des partis politiques au sein du Parlement européen pour les convaincre de l'utilité du PNR et pour trouver avec eux le compromis souhaitable. Je me battrai avec force pour que ce dossier aboutisse dès 2015.
L'évolution de certains quartiers est effectivement préoccupante. C'est pourquoi nous avons décidé une approche globale, notamment dans certaines zones de sécurité prioritaire de Marseille. J'ai considéré que dépêcher dans ces quartiers des forces de l'ordre en masse créerait, en un temps très court, un électrochoc au terme duquel nous pourrions réengager la prévention et le démantèlement des trafics. Les résultats obtenus à Marseille sont bons. Ils montrent que le retrait de la puissance publique de ces quartiers n'est pas inéluctable. Ces opérations doivent être multipliées et il faut profiter de ce que la République reprend ses droits par l'affirmation de la force du droit qu'incarnent les forces de l'ordre pour engager des actions massives de prévention de la radicalisation autour des principes de la laïcité.
Selon moi, madame Bechtel, une filière se constitue quand une organisation de recrutement se crée qui finance des actions par la fourniture de fonds ou d'armes et que cette organisation est capable de passer à l'acte en vue de la commission d'actes terroristes –mais je ne doute pas que vous vous plairez à compléter cette définition.
Nous avons décidé de recruter 1 000 personnes au sein de nos services de renseignement. Pour que 535 de ces embauches, qui concerneront des compétences de haut niveau, aient lieu dès cette année, nous pourrons procéder à des recrutements sur titre. Procéder autrement serait s'exposer à des retards, et j'attache beaucoup de prix à l'exécution rapide de ce que nous devons faire.
Monsieur Myard, la garde des Sceaux sera plus apte que je ne le suis à répondre à vos questions portant sur les prisons. Amedy Coulibaly était-il un « agent dormant » ? La surveillance électronique à laquelle il était soumis a pris fin le 15 mai 2014, et il a commis les actes que l'on sait en janvier 2015. Précédemment, il s'était livré à une multitude d'actes de petite délinquance de droit commun. En d'autres termes, cet homme au profil classique de délinquant multirécidiviste ne dormait que lorsqu'on l'arrêtait… Du moins est-ce ce que je puis dire maintenant avec toute la prudence requise, puisque j'ignore ce que l'enquête révélera.
Le 02/10/2015 à 11:07, laïc a dit :
"Les rapports que j'entretiens avec les cultes sont fondés sur le respect rigoureux des principes de la laïcité qui enjoint au ministre de l'intérieur d'entretenir avec chacun d'eux une relation institutionnelle, en se tenant à distance de tous et en n'en privilégiant aucun."
Et encore : "J'ai donc, monsieur Jibrayel, des relations régulières avec le CFCM et, plus largement, avec l'islam de France."
Rappelons que selon l'article 2 de la loi de 1905, la République ne reconnaît aucun culte. Il ne peut donc y avoir qu'un islam en France, et certainement pas de France, possession qui implique une reconnaissance active du culte, et bien pire une appropriation de ce culte totalement contraire à l'esprit et à la lettre de la loi de 1905.
Ainsi, lorsque M. Cazeneuve dit : "... sont fondés sur le respect rigoureux des principes de la laïcité qui enjoint au ministre de l'intérieur d'entretenir avec chacun d'eux une relation institutionnelle", il faudrait, pour être conforme à la laïcité, changer le mot "enjoint" par "interdit", car il est interdit à l'Etat d'entretenir avec les cultes une relation institutionnelle, qui serait la preuve de la reconnaissance active des cultes par l'Etat.
Et puis, quand M. Cazeneuve dit qu'il ne privilégie aucun culte, que penser alors des cultes hindou, bouddhiste, zoroastriste, sikh, et toutes les sectes qui ne demandent qu'une reconnaissance officielle de la part de la République pour croître et prospérer, et dont les représentants ne sont pourtant jamais reçus à l'Elysée, contrairement aux représentants des cultes catholique, protestant, juif et musulman, qui seuls auraient droit à la reconnaissance pleine et entière de notre République qui a tourné le dos à la loi de 1905 ? Ainsi, certaines religions sont bel et bien privilégiées par rapport à d'autres, et c'est ce qui devait fatalement arriver en ne respectant pas la non reconnaissance des cultes qui est l'un des principes de base de la loi de 1905.
Le 02/10/2015 à 11:32, laïc a dit :
"Nos imams doivent avoir accès à des diplômes universitaires dont l'obtention suppose l'acquisition de connaissances approfondies des principes de la laïcité et du droit républicain ; c'est pourquoi nous multiplions les formations civiques."
D'abord ce ne sont pas les nôtres (les imams), ce sont ceux de la religion musulmane. Ensuite, que dirait-on si on demandait aux prêtres catholiques de passer une formation universitaire obligatoire et définie par l'Etat avant d'être ordonnés par l'évêque ? On dirait "Et la laïcité alors, vous en faites quoi ?" Ce n'est pas à l'Etat de dire qui doit être prêtre ou imam. Même si on peut comprendre la finalité de l'action et le but recherché, la méthode est totalement illégale. Si les imams posent problèmes, c'est que leur discours pose problème, mais leur discours n'est pas personnel, il est religieux il est donc articulé sur des textes du coran ou d'autres sources écrites, très précises et définies, et si ces sources sont en infraction avec la loi républicaine, ce sont ces textes qu'il faut censurer et dont il faut interdire l'emploi aux imams. Ainsi, une notice d'information rappelant les textes prohibés, ainsi que la surveillance active des prêches dans les mosquées, devraient normalement suffire pour ramener la tranquillité civile sans enfreindre la loi de 1905.
Et puis, si l'on y réfléchit bien, une formation universitaire informant des principes de la laïcité et au droit républicain n'aura-t-elle pas en fin de compte la même fonction que cette note ? puisque l'on demandera forcément à l'imam de ne pas parler des textes litigieux de sa religion, dans la mesure où ce sont eux qui attentent au principe de laïcité et au droit républicain. On lui dira qu'il devra renoncer à la charia, qui entre en contradiction avec le droit républicain, et avec quelle chance de succès un imam étranger, formé à un islam pratique dans son pays, acceptera-t-il ce discours universitaire lui enjoignant de renoncer à certains passages du coran ou à l'application de certaines lois de la charia ? On dira alors que la note n'aura guère plus de chance de succès, mais au moins on restera dans la légalité. L'Etat doit informer, mais non pas former.
Le 02/10/2015 à 10:43, laïc a dit :
" La laïcité, c'est le droit de croire ou de ne pas croire, et c'est la garantie pour chacun, dès lors qu'il a fait le choix de sa croyance, qu'il pourra l'exercer librement."
L'erreur habituelle est une nouvelle fois commise : ce n'est pas parce qu'untel a fait le choix de sa croyance (choix qui implique d'ailleurs la libre adhésion, et donc le refus d'un culte imposé par la violence comme la circoncision sur bébé ou petit enfant sans consentement possible en est l'exemple type) qu'il pourra faire tout ce qu'ordonne son culte. Le libre exercice du culte passe bien évidemment après la conformité du culte aux lois de la République. La teneur du discours de M. Cazeneuve n'est pas assez claire : on a vraiment l'impression que le libre exercice du culte est un droit de tout faire et de tout penser du moment que le culte le justifie ou l'impose. C'est faux, et cela doit être rappelé officiellement.
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