Merci, monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, de m'accueillir à nouveau dans cette commission. Vous m'avez auditionnée une première fois le 3 février, c'est-à-dire après les attentats, qui ont donné une densité et un relief particulier à vos travaux.
Le 3 février, je n'étais restée qu'une heure et demie avec vous, mais la demande d'information était si dense que je n'avais pu répondre à toutes les questions ; je devais en effet me rendre aux Invalides où le Président de la République rendait hommage aux soldats qui avaient péri en Espagne.
Je me réjouis de revenir devant vous au bout de quatre mois, durant lesquels un certain nombre de choses ont été mises en place, et je trouve tout à fait légitime que vous souhaitiez savoir où nous en sommes dans la mise en oeuvre du plan gouvernemental annoncé le 21 janvier 2015 par le Premier ministre.
Le ministère de la justice était fortement impliqué dans un premier plan interministériel, qui datait d'avril 2014. Mais le plan du 21 janvier 2015, qui accorde des moyens exceptionnels à plusieurs ministères, et particulièrement au mien, est beaucoup plus dense.
Monsieur le président, je me propose, conformément à votre demande, de vous fournir des chiffres actualisés. Comme vous avez auditionné ce matin le ministre de l'intérieur, je passerai sur ceux qui relèvent de son autorité. Je m'en tiendrai aux procédures judiciaires en cours, celles qui sont traitées et celles qui ont déjà fait l'objet de décisions.
Cent quarante-sept procédures judiciaires en lien avec la Syrie ont été ouvertes au pôle antiterroriste de Paris, qui a été renforcé à plusieurs reprises – d'abord, sur la base d'une décision que j'avais prise en 2014, puis deux fois depuis janvier 2015. La transparence de fin janvier était une transparence spécifique au pôle antiterroriste de Paris.
Sur ces 147 procédures, 122 sont toujours en cours, dont 69 informations judiciaires et 53 enquêtes préliminaires. Quatre affaires, concernant onze personnes, ont déjà été jugées. La première affaire a été jugée le 7 mars 2014. La deuxième l'a été devant le tribunal correctionnel de Paris le 13 novembre 2014, et a conduit à la condamnation à sept ans d'emprisonnement d'un ressortissant français qui avait combattu en Syrie. La troisième, jugée le 10 mars 2015, également devant le tribunal correctionnel de Paris, a abouti à la condamnation à trois ans d'emprisonnement d'un homme ayant apporté son aide à une mineure de quatorze ans qui avait, sans succès, tenté de gagner la Syrie pour y épouser un combattant djihadiste. Enfin, la quatrième s'est conclue le 11 avril 2015 par la condamnation à des peines allant de deux à six ans d'emprisonnement à l'encontre de cinq ressortissants tchétchènes ; ceux-ci étaient impliqués dans une filière d'acheminement de combattants djihadistes vers la Syrie, implantée en région lyonnaise.
Cent soixante-dix personnes sont actuellement mises en examen : 105 sont en détention provisoire, 65 sous contrôle judiciaire. Quatorze femmes, majeures ou mineures, sont mises en examen dans le cadre d'informations judiciaires en lien avec la Syrie ; deux d'entre elles sont écrouées à ce jour, une autre l'a été après révocation de son contrôle judiciaire. Onze mineurs sont mis en examen ; dix sont placés sous contrôle judiciaire, le onzième est en détention provisoire, étant impliqué dans un meurtre.
Comment avons-nous fait évoluer la réponse de la justice au terrible défi lancé par le terrorisme ?
Nous avons d'abord mobilisé la totalité du ministère de la justice, c'est-à-dire l'ensemble des directions du ministère de la justice : aussi bien l'administration pénitentiaire que la protection judiciaire de la jeunesse et les services judiciaires. Nous avons ensuite mobilisé nos partenaires internationaux. Comme je vous l'avais dit la dernière fois, nous travaillons avec les pays qui sont confrontés aux mêmes défis que nous, et qui ont commencé à y apporter des réponses. Nous portons un intérêt réciproque à ce qui est fait face au terrorisme et à la radicalisation violente.
Nous avons organisé des rencontres internationales de magistrats antiterroristes, qui se sont tenues à Paris entre le 27 et le 29 avril 2015. Mon intervention aux Nations unies devant le Comité contre le terrorisme et les rencontres que j'avais faites à New-York et à Washington m'avaient en effet conduite à penser que Paris pourrait prendre l'initiative de rencontres de magistrats antiterroristes à un niveau opérationnel – de hauts magistrats très fortement impliqués, soit dans la mise en place de la lutte contre le terrorisme, soit dans la conduite de l'action publique.
Nous avons ainsi reçu deux cents magistrats antiterroristes de haut niveau, représentant des pays de tous les continents : pour les États-Unis l'adjoint de l'Attorney general ainsi que le responsable de la lutte antiterroriste au département d'État ; pour le Brésil, le Procureur national ; pour la Grande-Bretagne, la Procureure de la Couronne ; pour l'Italie, le Procureur national antimafia, qui est chargé de la lutte contre le terrorisme ; pour l'Espagne, le procureur de l'Audience nationale ; pour l'Égypte, le Procureur national... Nous avons également reçu les représentants de structures internationales comme : l'Organisation des Nations unies, représentée par le président du Comité contre le terrorisme ; l'Union européenne, représentée par le Coordonnateur de la lutte contre le terrorisme ; le Conseil de l'Europe, représenté par le président du Comité d'experts sur le terrorisme (CODEXTER) ; Eurojust, l'unité de coopération judiciaire de l'Union européenne, était représenté par sa présidente.
Les travaux se sont tenus à huis clos pendant trois jours, autour de sept ateliers thématiques. Mon objectif était que ces magistrats apprennent à mieux se connaître, établissent des relations individuelles favorisant la coopération, et puissent parler très librement de sujets extrêmement sensibles. Nous avons tiré de ces rencontres plusieurs enseignements.
Premièrement, la mutation profonde et durable du phénomène terroriste à travers son extension, sa militarisation, son internationalisation, ainsi qu'une véritable stratégie d'ancrage territorial.
Deuxièmement, l'évolution des sources de financement du terrorisme, qui peuvent être considérables, notamment grâce à la maîtrise et au contrôle de territoires ou de larges portions de territoire. Les terroristes peuvent ainsi financer des structures militaires ou paramilitaires, et mettre en place des micro-financements pour mener des actions terroristes très localisées.
Troisièmement, l'importance majeure prise par les technologies de l'information et de la communication, aussi bien comme instruments de propagande que comme instruments de circulation et de transmission des informations, et comme outils de fonctionnement des groupes terroristes.
Quatrièmement, la convergence des moyens entre la criminalité organisée et le terrorisme, ce que nous avions déjà pressenti : dans la circulaire sur les détenus particulièrement signalés que j'ai diffusée en novembre 2012 et actualisée en novembre 2013, nous avions fait figurer aussi bien les détenus liés à la criminalité organisée que ceux liés au terrorisme. Nous avions perçu, à partir de certaines procédures, une très forte porosité entre ces deux formes de criminalité.
Pendant ces trois jours, un certain nombre de propositions ont été faites sur la base de notre volonté affichée de faire de cet espace un lieu opérationnel de rencontre et d'efficacité. Par exemple, le Procureur national d'Égypte a proposé à tous les parquets généraux et aux autorités de poursuites pénales des pays du Bassin méditerranéen de s'unir autour d'un projet qui leur permettrait de travailler ensemble et de coopérer de façon systématique. Le directeur général des affaires criminelles du Maroc a proposé, quant à lui, que notre rendez-vous devienne annuel ; et de fait, tous les magistrats sont très demandeurs. Évidemment, je leur ai dit que Paris se tiendrait à leur disposition, et que nous pourrions recommencer l'année prochaine, tout en étant réceptifs à des propositions d'autres capitales. En tout état de cause, nous diffuserons à tous les participants les actes de ces trois jours de travaux et, sur la base de ces actes, nous mettrons en place le rendez-vous de l'année prochaine.
J'ai par ailleurs demandé à l'École nationale de la magistrature (ENM) d'organiser à la fin de ce mois de mai trois jours de session de formation. Cette formation serait ouverte à des centaines de personnels du ministère de la justice, qu'ils viennent de l'administration pénitentiaire, de la protection judiciaire de la jeunesse ou des services judiciaires. Seraient plus particulièrement concernés, au sein des services judiciaires, les magistrats référents antiterroristes, dont le réseau a été créé le 5 décembre 2014. Ces magistrats antiterroristes sont, dans nos juridictions, les correspondants de la section antiterroriste du parquet de Paris, et les interlocuteurs de tous nos partenaires, préfectures et états-majors de sécurité – notamment pour gérer les informations qui parviennent par le Centre national d'assistance et de prévention de la radicalisation (CNAPR) et les cellules départementales de suivi.
Ces trois jours de formation se tiendront à la Mutualité. Y interviendront des chercheurs français et étrangers, des professionnels français et étrangers, de la magistrature et de l'administration pénitentiaire ; sans oublier nos partenaires habituels, la préfecture de police de Paris et la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (MIVILUDES).
J'en viens, monsieur le président, à la mise en oeuvre du plan gouvernemental du 21 janvier 2015.
Je rappelle que le ministère de la justice a pu bénéficier d'un effort particulier de l'État, en particulier en termes de créations d'emplois. Ainsi, en plus des 1 834 emplois dont la création a été prévue sur trois ans, nous pourrons disposer d'une capacité supplémentaire de 950 emplois : un peu plus de la moitié est réservée à l'administration pénitentiaire. Sans compter des moyens supplémentaires en investissement et en fonctionnement s'élevant à 302 millions d'euros sur trois ans. Et je précise que nous avons obtenu, par décret d'avance du 9 avril 2015, les 108 millions de crédits nécessaires à la mise en oeuvre des dispositions contenues dans notre plan antiterroriste. Nous aurons donc une capacité de création d'emplois de 2 784 emplois nouveaux sur le prochain triennal, ce qui fait du ministère de la justice le deuxième ministère pour les créations d'emplois.
Qu'avons-nous fait en quatre mois, depuis que nous nous sommes vus ?
Je commencerai par ce qui a été fait dans l'administration pénitentiaire.
Je vous avais parlé de la « recherche-action », que j'avais lancée dès l'été 2014. La procédure s'était achevée en décembre 2014, et sa mise en oeuvre a commencé début 2015. Cette recherche-action permettra de mieux former les personnels à l'identification et à la prise en charge des personnes radicalisées et violentes, ou en passe de le devenir. Nous faisons par ailleurs un effort particulier sur la formation, et nous sommes en train d'élaborer un kit de formation pour des formateurs relais. Ce travail est assuré par l'ENM.
Nous lançons également un plan massif de formation des personnels pénitentiaires. Ce plan va se déployer dès l'année qui vient. Il est en phase de finalisation avec l'aide de la MIVILUDES et du Comité interministériel de prévention de la délinquance (CIPD). Ce dernier a d'ailleurs effectué en avril une session de formation à laquelle 65 de nos personnels pénitentiaires ont pu participer.
Je rappelle qu'une formation, ouverte aussi bien aux magistrats qu'aux personnels pénitentiaires et à ceux de la protection judiciaire de la jeunesse, se tiendra du 26 au 28 mai prochains à la Mutualité, sous l'autorité de l'ENM.
Je vous avais déjà parlé de notre décision de mettre en place une formation obligatoire pour tous les arrivants dans tous les établissements pénitentiaires : les arrivants séjournent entre huit et quinze jours dans un quartier spécifique ; pendant cette période, une formation sur la laïcité, la citoyenneté et les institutions républicaines leur sera dispensée.
Nous sommes également en train de finaliser, avec la direction générale de l'enseignement scolaire, des modules de formation pour tous les détenus de moins de 25 ans. Et je vous rappelle que trente aumôniers musulmans seront recrutés cette année, et que trente autres le seront l'année prochaine – comme en 2013 et en 2014.
Enfin, nous intervenons sur la sécurisation des établissements. Nous avons identifié vingt-six sites sensibles et précisé les besoins en brouillage. Dix établissements sont déjà équipés, et les marchés sont en cours pour les seize autres. Nous avons renforcé les effectifs : 21 postes dans les directions interrégionales ; 32 postes de surveillants ; 56 postes pour les fouilles sectorielles dans les établissements ; 15 postes de surveillants affectés dans les équipes cynotechniques – deux nouvelles équipes ayant été créées.
Après l'administration pénitentiaire, les services judiciaires.
Je vous avais parlé de la création de 114 postes supplémentaires de magistrats, de 114 postes supplémentaires de greffiers, et d'une trentaine de postes d'assistants de justice et d'assistants spécialisés. Nous avons déjà mobilisé 89 postes de magistrats ; cela nous a amenés, alors que nous étions proches de la clôture des candidatures aux concours d'entrée à l'ENM, à en repousser la date de deux semaines. Par ailleurs, 39 postes ont été ouverts pour cette année au concours complémentaire, dont les lauréats suivent une formation plus courte et arrivent donc plus rapidement en juridiction. Bien sûr, cela vient s'ajouter au nombre de postes qui avaient déjà été prévus sur l'année.
Je vous avais parlé aussi des efforts faits pour le tribunal de grande instance (TGI) de Paris, notamment pour sa section antiterroriste que j'avais déjà renforcée par une transparence fin 2014 – les postes ont été pourvus début 2015.
Une nouvelle transparence du 14 janvier 2015 apportera deux magistrats supplémentaires au parquet, un juge d'instruction, un avocat général et un conseiller à la cour d'appel. Nous avons également renforcé les postes au siège – des juges d'application des peines et des juges des enfants. Enfin, le président du TGI de Paris a annoncé la création d'un neuvième poste de juge d'instruction antiterroriste. En fait, nous essayons de faire progresser parallèlement les effectifs au parquet antiterroriste et ceux des juges d'instruction spécialisés contre le terrorisme.
Ce sont des postes fléchés, dont je pourrai vous donner le détail. J'ajoute que, sur les 114 greffiers supplémentaires prévus, 83 sont venus compléter la liste des concours dès le mois de mars 2014, et 31 compléteront le deuxième concours.
Je terminerai par la protection judiciaire de la jeunesse.
Je vous avais indiqué que nous allions mettre en place un réseau d'éducateurs référents « laïcité, citoyenneté », à raison d'un référent par direction interrégionale. Sur ces dix référents, neuf ont déjà été recrutés et sont en formation. Nous avons également procédé au recrutement de 45 psychologues non titulaires en attendant l'arrivée des psychologues titulaires qui seront en poste en janvier 2016. En outre, six éducateurs seront affectés à l'accompagnement des mineurs en risque de radicalisation. Les formateurs eux-mêmes ont été formés : 26 formateurs-relais l'ont été en février dernier, ainsi que cinq cadres en charge des formations en mars.
Vous avez soulevé, monsieur le président, la question spécifique du renseignement pénitentiaire, qui a fait l'objet d'un désaccord au moment de la discussion du projet de loi sur le renseignement. À cette occasion, j'avais été amenée à présenter un amendement pour rétablir le texte du Gouvernement, modifié à la suite d'un premier amendement adopté en commission des Lois.
Je rappelle que le renseignement pénitentiaire a vu ses effectifs renforcés en 2012 et 2013, et qu'il a été restructuré en 2014. Il compte aujourd'hui 159 personnes, contre 72 en 2012. En 2016, il comptera 185 personnes aux compétences diverses. Nous avons notamment recruté des informaticiens et des analystes veilleurs, et mis en place une cellule de veille rassemblant, en plus des personnels pénitentiaires, des chercheurs et des spécialistes des questions internationales.
Les liens avec les services spécialisés du renseignement ont été développés et stabilisés, et même formalisés. C'est ainsi qu'après avoir travaillé plus d'un an avec les services spécialisés du renseignement, et avec l'unité de coordination de la lutte antiterroriste (UCLAT), nous avons demandé et obtenu l'accord du ministère de l'intérieur pour intégrer, au sein de l'UCLAT, un directeur des services pénitentiaires. C'est chose faite depuis janvier 2015 : celui-ci participe donc à ses réunions hebdomadaires.
Nous avons signé un protocole entre l'administration pénitentiaire et l'UCLAT, ainsi qu'avec la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) et la direction générale de la police nationale (DGPN). Enfin, le ministre de l'intérieur et moi-même avons diffusé quatre circulaires communes pour la mise en oeuvre des dispositions que nous avons prises dans le cadre du plan antiterroriste.
Les relations entre le renseignement pénitentiaire et les services spécialisés du renseignement ont donc été formalisées. Elles existaient déjà, dans la mesure où le renseignement pénitentiaire collecte des informations, repère, détecte et signale. C'est d'ailleurs sa mission : conformément au décret de 2008, il a pour mission de veiller à la sécurité des établissements, de prévenir tout risque d'évasion et de procéder à l'analyse des informations qui peuvent justifier un transfèrement.
Le renseignement pénitentiaire informe systématiquement les services de renseignement spécialisés, et cela doit continuer. Mais nous avions observé que si le renseignement pénitentiaire fournissait de l'information aux services spécialisés, il n'y avait pas, ensuite, de remontée d'information vers lui. Le personnel pénitentiaire nous avait fait remarquer que c'était une vraie difficulté que de signaler un détenu sans en avoir de retour. Comment assurer un suivi sans connaître l'évolution de la situation du détenu ?
C'est dans cet esprit que j'ai travaillé à la formalisation et à la systématisation des relations, et en particulier à l'intégration d'un directeur des services pénitentiaires au sein de l'UCLAT. Aujourd'hui, les services de renseignement spécialisés, qui sont chargés de la sécurité intérieure sur l'ensemble du territoire, interviennent déjà dans les établissements pénitentiaires, notamment par la mise sur écoute de téléphones portables interdits, signalés par les personnels pénitentiaires. À cette fin, les services de renseignement spécialisés doivent présenter une demande d'autorisation auprès de la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité (CNCIS).
La question qui a été posée à l'occasion du débat sur le projet de loi relatif au renseignement était de savoir si ce sont les services de renseignement pénitentiaire qui, avec les nouvelles techniques qui ont été mises à leur disposition, vont assurer cette surveillance dans les établissements pénitentiaires, ou si c'est aux services spécialisés de renseignement de le faire.
Je continue de penser que c'est aux services spécialisés de le faire.
D'abord parce que, lorsque le renseignement pénitentiaire va au-delà du décret de 2008 sur la sécurité des établissements pénitentiaires, il faut maîtriser un certain nombre de techniques, ce qui suppose des personnels spécialisés, des moyens logistiques, des bases de données. Or, ce n'est pas le cas des services du renseignement pénitentiaire, alors que c'est le cas des services spécialisés de renseignement. Il me paraît donc souhaitable que ce soient les services spécialisés qui interviennent, à partir des signalements que les services du renseignement pénitentiaire continueront à leur fournir.
Ensuite parce que la qualité et l'efficacité du travail de renseignement supposent que la personne surveillée ne soit pas isolée de son environnement. C'est le cas des détenus qui reçoivent et envoient du courrier, qui reçoivent et passent des appels téléphoniques, qui reçoivent des visites et ont droit à des sorties. Les détenus ont donc des relations avec l'extérieur, et surveiller un détenu exclusivement à l'intérieur de la prison, en rupture avec toute surveillance qui pourrait s'effectuer à l'égard des personnes en relation avec le détenu et se trouvant à l'extérieur de la prison, ne me paraît pas une garantie d'efficacité, mais plutôt, au contraire, un risque de sous-interprétation et de mauvaise analyse des informations.
J'ajoute que les personnels, les officiers du renseignement pénitentiaire ne sont ni identifiés ni identifiables, et j'entends que cela continue. Or, à partir du moment où l'on dira que le service de renseignement pénitentiaire peut faire le travail d'un service de renseignement spécialisé, l'ensemble des personnels pénitentiaires se trouvera exposé. Indépendamment de ce risque qui n'est pas négligeable, il me paraît absolument évident qu'il ne faut pas confier le renseignement dans les établissements pénitentiaires à des services qui ne sont pas spécialisés dans le renseignement, qui n'ont ni la logistique, ni les bases de données, ni les outils, ni les personnels pour cela. Ou alors, comme je l'ai déjà dit pendant la discussion en commission des Lois et dans l'hémicycle, il faut aller jusqu'au bout et faire des services de renseignement pénitentiaire des services spécialisés de renseignement. Cela suppose de leur accorder suffisamment d'effectifs – et ceux que nous avons prévus, même s'ils sont conséquents, ne sont pas suffisants – et de moyens : base de données, logistique, techniques, etc.
Monsieur le président, je terminerai sur les évolutions législatives, que vous n'avez pas abordées. J'irai très vite, même si je reste disponible pour vos questions.
Nous avons introduit par amendement la création d'un fichier sur les personnes condamnées pour acte terroriste. En effet, nous n'avions pas pu intégrer cette disposition dans le texte du projet de loi gouvernemental, car il nous fallait attendre l'avis de la CNIL ; or celui-ci est arrivé alors que l'examen du texte avait déjà commencé en commission. Mais vous avez adopté cet amendement, et je vous en remercie au nom du Gouvernement.
Enfin, nous envisageons quelques ajustements de procédure pénale, notamment des audiences à huis clos, pour améliorer la protection des témoins et des victimes et gagner en efficacité.