Madame la garde des Sceaux, je ne vais pas vous interroger sur les moyens, mais sur le fond du droit. J'ai bien regardé les textes en vigueur, et je me suis aperçu que la loi n'avait pas été modifiée, même si les moyens ont été accrus. Nous restons dans le système issu de la dernière loi sur le terrorisme.
En étudiant les décisions prises par le tribunal de Paris, compétent en la matière, on s'aperçoit que le terrorisme est considéré comme un acte international, dans la mesure où la nationalité des terroristes n'est pas prise en considération. Même si nous sommes très faibles en matière de sanctions sur la nationalité, il ne s'agit pas ici de remettre en cause le droit. Reste qu'on ne saurait assimiler un terroriste français à un terroriste tchétchène. En effet, le Livre IV du code pénal, élaboré il y a quelques années, permet précisément de faire la distinction entre le terroriste étranger, qui est coupable, et la circonstance aggravante que représente le fait d'être français quand on est terroriste.
Sur quelque cinquante pages, une multiplicité d'articles détaillent toutes les situations qui n'ont pas été, pour le moment, envisagées par les procureurs. S'il est établi qu'un Français a travaillé pour une organisation étrangère, en l'occurrence Daech, Al-Qaïda ou Jabhat Al-Nosra, le code pénal est précis : en temps de paix, il encourt des sanctions qui sont visées par le code pénal ; en temps de guerre, les contacts que peut avoir un Français avec une organisation étrangère pour lutter contre les intérêts de la Nation, que l'on peut qualifier d'actes de trahison à l'égard de son pays, doivent être considérés comme des circonstances aggravantes.
La sanction infligée dans la deuxième affaire dont vous avez fait état au début de votre intervention est de sept ans. Cela peut paraître sévère, la loi sur le terrorisme prévoyant un maximum de huit ans. Mais huit ans, avec les dispositions actuelles du code pénal, peuvent se réduire à quatre ou cinq ans. Or, quatre ou cinq ans pour un acte de guerre contre la Nation dont on est issu me semblent constituer une sanction extrêmement faible. En effet, le code pénal, dans son titre IV, est beaucoup plus précis et prévoit vingt-cinq ans de réclusion criminelle.
Faire la guerre à l'étranger contre son propre pays est un acte symbolique fort. On remet ainsi en cause l'attachement que l'on a pour la Nation, que l'on y soit né ou que l'on ait été naturalisé. La Nation a des droits sur l'individu qui va la combattre. Or je n'entends jamais requérir sur cette infraction gravissime qui consiste à trahir son pays. Jamais !
J'avais demandé à M.Trévidic, lorsqu'il était encore au pôle antiterroriste, si l'on pouvait considérer que le fait, pour un terroriste, d'être français, constituait une circonstance aggravante – selon lui, ce n'était pas impossible – ou s'il fallait considérer le terrorisme comme un acte international, qui n'a pas de nationalité. C'est la première question que je vous poserai.
Ma seconde question, qui rejoint ma remarque précédente, porte sur le rôle du juge d'application des peines. La loi me paraît devoir être révisée dans la mesure où elle n'est pas assez répressive ni dissuasive à l'égard de ceux qui pourraient s'engager contre la France. S'engager contre la France est en effet un acte extrêmement grave, et c'est d'ailleurs pourquoi j'utilise le terme de trahison. Mais je ne vise pas le jeune qui n'est pas un islamiste et qui avait simplement a envie d'en découdre et d'aller faire la guerre ; celui-ci peut bien sortir au bout de quatre ans, car c'est presque un droit commun.
Avec la nouvelle loi, qui est votre loi, le juge de l'application des peines (JAP) est devenu, dans les faits, le maître de l'application des peines. Il est juridiquement souverain. J'aimerais donc savoir, lorsque quelqu'un a été condamné pour terrorisme, si le JAP est informé qu'il s'agit peut-être d'un individu qui continuera à avoir des relations avec le terrorisme, et s'il peut le prendre en considération. Juridiquement, non. Or il est tout de même important de savoir que cette personne est suspecte auprès de la DGSI ou d'un autre service de renseignement, qu'elle a été signalée comme telle au juge antiterroriste et qu'elle est susceptible de commettre un nouvel acte terroriste.
Je sais comment les choses se passent. Il peut arriver qu'un JAP, après avoir discuté avec le parent d'un détenu qui fait état d'une promesse d'embauche comme menuisier, en déduise – et décide – que ce dernier est capable de se réinsérer... Quels sont les moyens d'intervention – sinon législatifs, du moins dans les faits – que l'on peut avoir à l'égard du JAP ?