Madame Bechtel, deux séquences de ces rencontres internationales ont été couvertes par la presse : l'ouverture, à l'occasion de laquelle j'ai prononcé un discours, et la clôture, à l'occasion de laquelle le Premier ministre a prononcé le sien. En dehors de ces deux séquences, les trois jours de travaux se sont déroulés à huis clos à l'Institut national des hautes études de la sécurité et de la justice (INHESJ), dont le siège est à l'École militaire.
La tenue de ces rencontres témoigne d'une certaine confiance vis-à-vis de Paris. Comme je vous l'ai dit, ce n'est que vers le 8 février que j'ai pris la décision de tenir ces journées, qui se sont déroulées du 27 au 29 avril. Malgré ce court laps de temps, quelque 200 magistrats de haut niveau, venant d'une quarantaine de pays, ainsi que les représentants de toutes les institutions internationales – Nations unies, Conseil de l'Europe, Union européenne, Eurojust, etc. – ont accepté de se déplacer loin de chez eux pour assister à trois jours de travaux.
J'avais écrit à tous les ministres de ces pays pour les informer de l'esprit de ces rencontres, en précisant que je souhaitais qu'elles se tiennent à un niveau opérationnel. Je m'étais adressée, par politesse, à l'Attorney General des États-Unis, Loretta Lynch, qui venait de remplacer à ce poste Eric Holder mais ce sont son adjoint et le responsable du terrorisme au département d'État des États-Unis qui sont venus.
Les participants ont été « enfermés » à l'INHESJ pendant trois jours – nous avons un sens assez militaire de l'accueil… Et ce sont eux-mêmes qui ont émis le souhait que soit pérennisée la rencontre.
De telles rencontres permettent à des hauts magistrats de se connaître, d'échanger leur numéro direct, et donc de communiquer plus facilement par la suite. Par exemple, lorsque le parquet de Paris a besoin d'obtenir très rapidement l'autorisation de se joindre à une enquête, donc de prendre un avion pour se rendre sur place, il vaut mieux pouvoir appeler les intéressés que de passer par les bureaux d'entraide pénale internationale, d'envoyer du courrier sous pli, etc. On y gagne en efficacité.
Vous m'avez ensuite interrogée sur notre politique de déradicalisation, que nous menons depuis maintenant deux ans. Nous avons signé un partenariat avec l'École pratique des hautes études, avec l'Ecole des hautes études en sciences sociales, avec l'Institut d'études de l'islam et des sociétés du monde musulman et avec l'Institut du monde arabe. Nous travaillons par ailleurs avec la préfecture de police de Paris et avec la MIVILUDES.
Depuis le milieu de l'année 2014, nous avons mis en place des programmes de formation pour les personnels pénitentiaires, y compris les conseillers d'insertion et de probation, les éducateurs, et les aumôniers. Ces formations portent sur la laïcité, la citoyenneté et les institutions de la République, sur la prévention de la radicalisation, sur l'emprise sectaire et sur l'enseignement des religions.
Nous avons étudié les quatre programmes mis en place au Royaume-Uni. L'un d'eux y a d'ailleurs été suspendu il y a quatre mois. Nous nous sommes beaucoup intéressés aussi à ce qui se fait en Allemagne. Les Allemands ont en effet institué des formations spécifiques, notamment dans les universités. Ils disposent aujourd'hui d'un vivier de personnes ressources qui interviennent dans les établissements pénitentiaires, que nous envions un peu. Mais nous allons très vite les rattraper…
Nous travaillons aussi avec le Danemark, avec la Suède, la Finlande, qui font la même chose que nous. Enfin, les Canadiens sont également très intéressés par ce que nous faisons : ils sont venus nous voir récemment et je me suis moi-même rendue au Canada pour signer une convention avec eux.
Monsieur Myard, lorsque nous sommes arrivés, il y avait presque 400 postes vacants dans les juridictions, et nous avons pu estimer à 1 400 le nombre de départs à la retraite prévisibles au cours du quinquennat. D'après nos calculs, il fallait ouvrir 300 postes chaque année, de façon à combler au moins les départs à la retraite. Mais, selon moi, il fallait même aller au-delà et augmenter les effectifs de la magistrature.
Nous avons donc ouvert en moyenne 300 postes chaque année. L'année qui vient, la prochaine promotion sera de 360 postes. Nous avons donc battu tous les records. Cela dit, il faut trente et un mois pour former un magistrat.
C'est seulement à partir de septembre 2015 que les arrivées en juridiction seront plus nombreuses que les sorties. La situation va donc s'améliorer, mais je reconnais que la transition aura été pénible. J'ai d'ailleurs dû rappeler des magistrats qui étaient en détachement ou à disposition dans d'autres organismes, pour qu'ils reviennent en juridiction.
Monsieur le député, vous avez par ailleurs soulevé la question de la coordination judiciaire avec les pays du Proche et Moyen-Orient, dont plusieurs ont participé à ces rencontres internationales.
Nous avons passé avec ces pays, soit des conventions régionales, au sein de l'Union européenne ou au sein du Conseil de l'Europe, soit des conventions bilatérales qui permettent une coopération. En l'absence de conventions régionales ou bilatérales, nous sommes tenus par des conventions multilatérales dont certains de ces pays sont signataires et qu'ils ont ratifiées. Ces conventions multilatérales peuvent porter sur la lutte contre le terrorisme, mais aussi sur la lutte contre les trafics de stupéfiants ou la corruption, deux domaines avec lequel le terrorisme présente des convergences.
Mais je perçois derrière votre question une autre question, à savoir : comment construire ensemble des politiques d'intervention et de lutte contre le terrorisme ? Je vous répondrai donc que ces rencontres y contribuent.