Madame la garde des Sceaux, nous avons entendu ce matin M.Cazeneuve, qui nous a présenté un solide programme axé sur la prévention et le renseignement. Vous mettez vous-même l'accent sur la prévention, que ce soit en termes d'effectifs, de renseignement, de déradicalisation, de fichiers ou de protection des témoins. On ne peut que l'approuver. Mais il manque, dans cette politique gouvernementale de lutte contre le terrorisme, tout un volet consacré à la répression. C'est là que le bât blesse.
Vous avez parlé de surpopulation carcérale. Mais nous n'avons pas de problème de surpopulation carcérale en France : nous avons un problème de sous-équipement immobilier carcéral. Certes, vous nous annoncez la création nette de 3 200 places de prison. Mais vous savez très bien – tout comme M.Pueyo, qui ne me contredira pas… – qu'il en manque, dans notre pays, 20 000 à 30 000 !
Je suis par ailleurs extrêmement surpris de ce que vous avez dit à propos de la contrainte pénale. Jusqu'à présent, vous l'aviez présentée comme une mesure d'individualisation de la peine, ce que l'on peut d'ailleurs concevoir. Mais aujourd'hui, vous la présentez comme une façon de résoudre les problèmes de sous-équipement pénitentiaire !
Vous avez donné l'exemple des personnes qui ne paient pas leur pension alimentaire et qui, selon vous, n'ont rien à faire en prison. Cela risque de faire sursauter les créancières d'aliments, ces mères de famille qui, au bout de plusieurs plaintes et condamnations, n'arrivent pas à nourrir leurs enfants ! Quant à l'autre exemple que vous nous avez donné, celui des revendeurs de stupéfiants, il était tout aussi malvenu.
Loin de moi l'idée de m'opposer méchamment à votre politique pénale, que vous assumez parfaitement. Simplement, je tiens à vous dire que votre politique, dans la mesure où elle ne comporte pas de volet répressif, ne permettra pas de mieux protéger nos concitoyens.
Qu'envisagez-vous de faire ? La Chancellerie a-t-elle engagé une réflexion sur la question de l'aménagement des peines, évoquée par Claude Goasguen ? Je vous avais interrogée dans l'hémicycle sur les réductions de peines, notamment automatiques. En effet, vous aviez pris le soin d'adresser des circulaires à tous les parquets en leur rappelant que les récidivistes devaient bénéficier des mêmes réductions de peines que les primodélinquants.
Comme vous l'avez fait remarquer, il y a une porosité croissante entre la criminalité et le terrorisme. Mais ceux qui s'en rendent coupables seront-ils sanctionnés plus sévèrement ? C'est la question qui nous vient à l'esprit, puisque vous n'avez pas prévu – c'est un fait – de volet répressif pour lutter contre le terrorisme. Voilà pourquoi nous ne pouvons pas être totalement satisfaits de la politique gouvernementale.