Je constate que vous portez beaucoup d'intérêt à ces questions et je tenterai de vous répondre le plus précisément possible.
Monsieur Guibal, nous percevons les relations existant entre la criminalité et le terrorisme à travers un certain nombre de procédures.
Il y a déjà deux ans, j'ai décidé de renforcer les huit juridictions interrégionales spécialisées (JIRS). Malgré le manque d'effectifs de magistrats, toutes sont maintenant en effectif complet, voire, pour certaines, en surnombre, aussi bien au parquet qu'au siège. Elles emploient d'ailleurs aussi des personnes qui ne sont pas des magistrats mais qui travaillent auprès d'eux et sont spécialisées, par exemple, dans les financements internationaux. Ces assistants spécialisés, qui ont des qualités particulières, sont extrêmement utiles.
Le réseau des JIRS a été réorganisé dans le cadre de la loi du 6 décembre 2013 contre la délinquance économique et financière. Son périmètre de contentieux a été précisé. Nous avons supprimé, sauf en Corse, les pôles économiques et financiers, et nous avons créé le parquet financier national. L'architecture de la lutte contre cette criminalité organisée a donc été complètement revue.
De la même façon, l'Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (AGRASC), créée en 2011, a été fortement renforcée. Elle intervient à notre demande dans toutes les juridictions, aussi bien au parquet qu'au siège.
J'ai donné comme instruction, par circulaire, de faire de la saisie patrimoniale un élément de l'enquête pénale. Ainsi, dès le moment de l'enquête, les saisies sont faites. Celles-ci sont importantes puisque, selon les derniers chiffres de 2014, elles atteignaient 1,7 milliard d'euros. Par la suite, elle est confirmée par la confiscation.
Certes, il y a un délai entre la saisie et la confiscation, laquelle ne peut intervenir qu'au terme de la procédure. Mais au cours de ces deux dernières années, nous avons constaté que si les saisies étaient importantes, qu'il s'agisse d'immobilier, de mobilier, y compris de bateaux, de comptes bancaires ou d'espèces, les confiscations l'étaient moins. J'ai donc demandé à l'AGRASC de se mobiliser fortement auprès des magistrats du siège. Nous avons procédé à un travail de sensibilisation, ce qui nous a amenés à mettre au point un guide qui a été diffusé au début de cette année.
Restent les échanges de procédure. Le réseau de magistrats référents que j'ai mis en place en décembre 2014 est extrêmement important. C'est une porte d'entrée dans tous les tribunaux de grande d'instance. Le magistrat référent est un interlocuteur pour le pôle antiterroriste de Paris, pour les JIRS, pour la préfecture. Les informations sont regroupées, ce qui évite toute déperdition d'informations et de temps.
Cela étant, il faut arriver à assécher financièrement le terrorisme. La loi du 6 décembre 2013 contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière a augmenté considérablement les amendes : certaines sont passées de 75 000 à 500 000 euros. En outre, il est maintenant possible de saisir la totalité du patrimoine – y compris sa partie licite – par décision de justice.
Monsieur Habib, vous avez parlé des 27 000 téléphones portables qui auraient été saisis. Il ne s'agit pas de téléphones, mais d'éléments téléphoniques – téléphones, mais aussi puces, batteries, etc. Reste que c'est trop, de toutes façons. Dans mon intervention liminaire, j'avais évoqué notre action en matière de brouillage. Je précise que nous avons lancé l'année dernière une expérimentation sur une nouvelle technologie de brouillage, qui s'est avérée concluante. Nous n'en faisons pas tapage, pour des raisons que tout le monde peut comprendre, mais nous avons déjà équipé une dizaine d'établissements, et nous allons en équiper seize autres. En effet, nous avons identifié 26 établissements particulièrement sensibles. Voilà ce que nous faisons pour mettre un terme à l'usage des téléphones portables.
Vous avez également évoqué les informateurs. Vous savez que la loi de 2004 avait créé un statut de repenti, mais que le décret d'application n'avait pas été pris. Nous l'avons pris l'année dernière. Depuis, nous disposons à la fois d'un cadre juridique et réglementaire, mais également de moyens puisque c'est sur les fonds de l'AGRASC que nous finançons ce dispositif. La commission nationale de protection et de réinsertion est en place. Elle a commencé à travailler l'année dernière aussi, et peut décider de l'attribution du statut de repenti et de sa prise en charge. Nous utilisons déjà des repentis dans les programmes de déradicalisation, pour intervenir auprès d'un certain nombre de détenus.
S'agissant d'Internet, vous avez parfaitement raison. C'est d'ailleurs bien pourquoi nous allons modifier la loi de 1881. On ne peut laisser impuni ce qui passe sur internet – s'agissant au moins des infractions de paroles et d'écrits.
Par ailleurs, Internet a considérablement modifié le fonctionnement des groupes terroristes eux-mêmes. Ceux-ci utilisent beaucoup ces technologies, aussi bien pour faire circuler l'information que pour faire de la propagande. Mais la loi du 13 novembre 2014 donne aux enquêteurs du parquet ou du siège les moyens d'intervenir. Nous travaillons depuis deux ans avec les grands opérateurs, afin d'obtenir facilement la suspension et le blocage de sites. Opérateurs, éditeurs et hébergeurs se renvoyaient la balle, mais nous avons réussi à mettre un terme à cela. Reste à régler la question de la compétence juridictionnelle, qui est liée à la localisation du siège. Nous le ferons en obligeant les opérateurs à avoir une représentation en France. C'est à cela que nous nous employons en ce moment.
Monsieur Pueyo, merci de ces précisions. Je rappelle que nous allons construire 3 200 places supplémentaires, et que ce sont 3 200 places nettes – nous allons en fermer 1 082.
À propos des expérimentations et des quartiers, vous avez parfaitement raison. C'est d'ailleurs ce que nous faisons : les leaders ne sont pas dans les quartiers dédiés, mais en isolement. Dans les quartiers dédiés, nous mettons des personnes qui sont en phase de radicalisation, sur lesquels nous estimons qu'il est possible de faire un travail. Nous n'appliquons pas le même régime à ceux qui ont de l'assurance, qui sont structurés mentalement et intellectuellement, qui ont du charisme et la volonté d'influencer et de convertir les autres détenus. Ceux-ci sont en isolement – certains y sont depuis plus d'un an. Ils font l'objet de transfèrements. Ils font l'objet d'une surveillance permanente et sont régulièrement fouillés.