Intervention de François Rochebloine

Séance en hémicycle du 11 juin 2015 à 9h30
Maintien des classes bilangues pour l'apprentissage de l'allemand — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançois Rochebloine :

Au mépris de cette réussite éprouvée, la réforme du collège adoptée à la hussarde par le Gouvernement bouleverse le fonctionnement des classes bilangues. Si celles qui permettent de commencer l’anglais en sixième, parallèlement à l’apprentissage d’une autre langue, continueront d’exister, un élève ayant commencé à apprendre l’anglais en primaire devra en revanche attendre la classe de cinquième pour envisager l’apprentissage d’une deuxième langue vivante, ce qui a pour conséquence de supprimer un certain nombre de classes, et plus particulièrement celles qui privilégiaient l’allemand dès la primaire.

Madame la ministre, la mise en oeuvre de votre projet de réforme du collège, prévue pour 2016, fera chuter le nombre d’élèves dans les classes d’allemand : ce ne seront plus 15% comme aujourd’hui, mais seulement 5% des élèves qui apprendront l’allemand ! C’est pourquoi nous considérons que cette réforme constitue un signal extrêmement négatif quant à la volonté des autorités françaises de privilégier l’enseignement de la langue allemande.

Pourtant, le Gouvernement s’apprête bel et bien à sacrifier les classes bilangues sur l’autel de l’égalitarisme parce qu’il juge l’enseignement de l’allemand trop élitiste. Lourde erreur, madame la ministre !

C’est une erreur au regard de la vocation de l’école républicaine, qui vise l’excellence pour tous les élèves qu’elle accueille sur ses bancs et récompense le travail et le mérite.

C’est une erreur également sur la réalité même de ces classes bilangues. Ne savez-vous pas, madame la ministre, que leurs élèves sont recrutés sans sélection, sur le seul fondement de leur motivation ? Ne voyez-vous pas, madame la ministre, que les classes bilangues enregistrent l’inscription d’enfants de catégories sociales moyennes ou favorisées dans les collèges des zones urbaines sensibles et qu’elles participent ainsi à la mixité sociale de l’établissement et favorisent un effet d’entraînement positif au sein des classes ?

En affaiblissant les classes bilangues, vous allez inciter des parents à envoyer leurs enfants dans le privé : quel sera le gain pour l’enseignement public ?

Surtout, en fragilisant cet apprentissage, vous vous rendez coupables de quatre fautes majeures.

En affaiblissant l’apprentissage de la langue allemande, vous enclenchez un processus d’éloignement de nos deux jeunesses et de nos deux pays. Songez-y : n’existe-t-il pas un risque quasi certain que les contacts entre les jeunes Français et les jeunes Allemands se distendent et que leurs échanges finissent par s’éteindre si l’apprentissage de la langue n’existe plus pour les encourager ? Or, au-delà de l’apprentissage de la langue, ces échanges permettent la compréhension de l’autre et renouvellent le ciment de l’amitié entre nos deux peuples.

En affaiblissant l’apprentissage de la langue allemande, vous mettez à mal la diversité culturelle européenne, qui ne peut s’exprimer que grâce à la connaissance réciproque de nos deux langues. Que deviendront les filières universitaires intégrées franco-allemandes qui font vivre la culture européenne ?Que deviendront les échanges culturels entre la France et l’Allemagne ?

En affaiblissant l’apprentissage de la langue allemande, vous semblez oublier que 17 % de nos échanges commerciaux se font avec l’Allemagne, avec qui la France entretient également des relations denses dans le domaine de la coopération culturelle, scolaire, scientifique et technique.

L’Allemagne est en effet notre principal partenaire et forme avec la France le moteur de l’Europe. Vous n’avez pas le droit de fragiliser cette relation si essentielle à l’avenir de l’Europe, à un moment où la jeunesse européenne a le sentiment d’être laissée pour compte, où elle se réfugie dans l’indifférence ou la défiance et où, en proie à la désespérance, elle est désormais tentée par le rejet de l’Europe prôné par les extrémistes.

Enfin, en affaiblissant l’apprentissage de la langue allemande, vous allez favoriser le recul de l’apprentissage de la langue française en Allemagne alors qu’elle demeure aujourd’hui encore la deuxième langue vivante parlée outre-Rhin.

Oui, madame la ministre – voir que cela vous fait sourire me surprend et m’attriste –, le groupe UDI affirme avec force qu’en défendant l’allemand, vous défendriez le français.

Votre réforme ne fera que contribuer à la perte de terrain du français en Allemagne, alors même que la concurrence de l’espagnol comme seconde langue dans les filières professionnelles est de plus en plus rude.

Madame la ministre, ce débat revêt une importance toute particulière pour notre groupe, dont les membres sont les héritiers obligés de l’esprit européen, incarné dès les années 50 par les pères fondateurs, Robert Schuman et Jean Monnet, et dans un second temps par le président Valéry Giscard d’Estaing ou encore Simone Veil.

L’éducation doit être au coeur de tout projet politique, et la manière dont vos réformes conçoivent l’éducation révèle malheureusement une approche dogmatique, en rupture avec notre modèle républicain.

Nous ne pouvons accepter que ces classes bilangues soient fragilisées, pas plus que nous ne pouvons nous résoudre à admettre la suppression de tout parcours d’excellence. En imposant une interdisciplinarité floue, soumise aux modes et à l’esprit du temps, comme le fait votre réforme, on ouvre la porte à cet égalitarisme qui ne pourra qu’amener le nivellement par le bas et l’abandon d’un projet républicain pour l’école.

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