Intervention de Luc Derepas

Réunion du 3 juin 2015 à 9h45
Commission des affaires étrangères

Luc Derepas, directeur général des étrangers en France au ministère de l'intérieur :

L'organisation de flux légaux de migrants est une des voies que la Commission a essayé de creuser lorsqu'elle a proposé que 20 000 personnes soient accueillies en tant que réfugiés depuis les zones de conflit – ce qui est une première façon d'organiser une migration légale au titre de l'asile. Se pose aussi la question de l'organisation de flux à d'autres titres, sachant que la politique de séjour reste une compétence nationale, empêchant l'Union de prendre une initiative dans ce domaine.

Or les politiques de séjour et de migration légale dépendent beaucoup de la situation démographique et économique des pays. Il est clair que l'Allemagne, qui a une démographie déclinante, n'aura pas les mêmes besoins d'immigration que la France, dont la démographie est au contraire très positive.

Nous avons effectivement constaté l'an dernier, parallèlement à une baisse légère de la demande d'asile, une augmentation de l'octroi de la qualité de réfugié, avec 15 000 statuts et protections subsidiaires accordés par an, contre 10 000 dans les années précédentes. Mais cela est lié à la répartition des nationalités au sein de cette demande. Nous avons mené depuis quelques années une politique visant à dissuader les demandes abusives, en provenance notamment des Balkans, de l'Albanie ou du Kosovo, et nous enregistrons à cet égard des succès puisqu'elles baissent sensiblement, ce qui entraîne mécaniquement une augmentation du taux d'octroi de la protection.

S'agissant des accords du Touquet, la position du Gouvernement est qu'ils constituent la loi applicable s'agissant de la frontière avec le Royaume-Uni dans le Calaisis. Nous voulons amener nos partenaires britanniques à prendre leur part des effets négatifs de ces accords, notamment en termes de présence de migrants dans cette zone. C'est la raison pour laquelle Bernard Cazeneuve et Theresa May ont conclu l'an dernier un accord prévoyant une augmentation significative de la contribution financière britannique, avec une somme de 15 millions d'euros sur trois ans, qui a permis d'entamer des travaux de sécurisation sur le port de Calais et dans la zone du tunnel. L'idée est qu'en sécurisant mieux les zones de passage, on arrivera à remédier à la situation. S'ajoute à cela une politique active de proposition de l'asile aux migrants présents à Calais et d'exfiltration des personnes vulnérables, notamment les femmes avec enfants, pour éviter leur maintien dans des conditions très difficiles. Nous demandons donc aux Britanniques de faire le maximum pour nous aider à résoudre les situations humanitaires et de présence de migrants illégaux. Cela étant, si la situation dans la région devait à nouveau s'aggraver, la question d'une renégociation des accords serait posée.

Concernant les efforts conjoints menés par le Maroc et l'Espagne, celle-ci a conduit il y a quelques années une politique très intelligente avec le Sénégal, la Mauritanie et le Maroc, en vue d'établir une coopération avec ces pays qui les rende eux-mêmes responsables de la préservation de leurs propres frontières et de l'empêchement d'un grand nombre de passages de migrants illégaux vers les îles espagnoles et l'Europe, ou à travers Ceuta et Melilla. Cela a entraîné une chute drastique des départs vers les îles espagnoles des Canaries. Si un État existait en Libye, c'est la politique que nous devrions mettre en oeuvre avec ce pays, afin qu'il joue le même rôle en partenariat avec l'Union européenne.

Quant à la situation à Ceuta et Melilla, elle est plus dramatique et complexe, avec un grand nombre de migrants massés de l'autre côté de la frontière souhaitant passer dans les enclaves espagnoles.

Plus généralement, un travail doit être mené avec nos partenaires marocains – que nous avons engagé il y a quelques années, mais qui a connu quelques vicissitudes compte tenu des relations avec ce pays ces derniers temps. Cependant, nous avons bon espoir que la coopération puisse reprendre. Le Maroc a entrepris une politique très intelligente au sujet des migrations, d'un droit d'asile plus protecteur et d'une législation sur la régularisation des migrants irréguliers et leur intégration : nous sommes à ses côtés pour travailler avec lui sur ces questions.

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