Intervention de Christian Assaf

Réunion du 4 juin 2015 à 9h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristian Assaf :

Je suis membre du groupe Socialiste, républicain et citoyen et député d'une circonscription du sud de la France située au bord de la Méditerranée, présentant la particularité d'abriter la ville de Lunel, connue pour avoir été le point de départ d'une trentaine de jeunes djihadistes. Cette petite commune ne compte pourtant que 20 000 habitants et est située en zone périurbaine, en Camargue : bref, ce n'est vraiment pas le lieu que l'on imaginerait constituer un centre de recrutement pour le djihadisme.

La commission d'enquête sur la surveillance des filières et des individus djihadistes, dont le rapport va être rendu public dans quelques jours, avait pour mission d'étudier les individus et les filières djihadistes sur le territoire national et de déterminer les moyens à mettre en oeuvre pour lutter contre ces individus et ces filières. Elle fait suite à une autre commission d'enquête créée à la suite de l'affaire Merah – un terroriste ayant opéré en région toulousaine. Je veux dire à Stephan Mayer qu'avant de faire partie de cette commission d'enquête, mes collègues et moi-même avions tendance à penser que nombre des filières djihadistes étaient constituées de jeunes hommes musulmans, ayant basculé dans l'islamisme à l'issue d'un processus de radicalisation opéré au sein des mosquées. Or, nous devons nous défaire de tels préjugés : en réalité, comme l'a dit tout à l'heure le ministre de l'Intérieur, nous devons actuellement faire face à une menace protéiforme. Ainsi, nous nous sommes rendu compte que nombre de jeunes radicalisés n'étaient pas passés par la prison : leur radicalisation s'était faite uniquement par le biais d'internet, comme c'est le cas pour les « loups solitaires », et il s'agissait souvent de jeunes convertis à l'islam depuis quelques mois seulement – et pas seulement de jeunes hommes, mais souvent aussi de jeunes femmes ; de même, nous avons constaté que certains processus de radicalisation ne se faisaient pas au coeur de grandes agglomérations, mais en milieu rural ou périurbain.

Si la radicalisation au sein des prisons a justifié la mise en place des mesures qu'a citées le ministre de l'Intérieur, nous pensons qu'il faut aujourd'hui aller plus loin, notamment en créant un service de renseignement pénitentiaire efficace, agissant en lien avec le renseignement national. Pour ce qui est des imams, ils nous paraissent trop nombreux et insuffisamment formés : un gros effort doit également être accompli en la matière. Quant au retrait des cartes d'identité, il ne peut se concevoir sans la mise en place de contrôles accrus. Ainsi la commission d'enquête a-t-elle émis le souhait de rétablir le contrôle d'identité lors de l'embarquement en avion, y compris sur les vols intérieurs, les charters et low cost.

Enfin, j'aimerais à mon tour vous poser une question au sujet des moyens financiers, évoqués tout à l'heure sur le ton de la boutade par le ministre de l'Intérieur. Nous savons que cette guerre intérieure qu'est la lutte contre le terrorisme nécessite d'importants moyens. Dans un contexte de redressement des comptes publics, il me semble que les exécutifs français et allemand pourraient mener ensemble une réflexion afin de déterminer si l'efficacité de la lutte contre le terrorisme ne passe pas par une sacralisation des moyens qui y sont nécessaires – c'est-à-dire par le fait de ne pas appliquer à ces moyens les critères de rigueur budgétaire s'appliquant au reste de nos finances publiques.

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