Intervention de Benoît Hamon

Réunion du 11 juin 2015 à 10h00
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi pour la croissance et l'activité

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBenoît Hamon :

Je vais me risquer à un parallèle peut-être un peu audacieux.

La semaine dernière, nous évoquions en séance publique le syndrome d'épuisement professionnel, sans réussir à nous mettre d'accord avec le Gouvernement sur ses causes – nouvelles formes de management et d'organisation du travail, usage des nouvelles technologies… En revanche, certaines organisations et une partie du Gouvernement semblent s'accorder sur la définition d'un nouveau syndrome de la peur d'embaucher, et de ses causes : contrat de travail, droit du licenciement, seuils sociaux… Ce syndrome créerait de telles angoisses qu'il expliquerait le niveau exceptionnel du chômage dans notre pays. Je conteste fermement cette entrée dans le débat. Je conteste qu'il existe une peur d'embaucher qui soit liée au niveau des indemnités prud'homales et au niveau des indemnités pour licenciement abusif.

Cette disposition arrive tout juste dans le débat : ce n'est pas un amendement que nous attendions, ni que nous appelions de nos voeux – et si je dis « nous », c'est que je crois pouvoir parler ici au nom de la majorité socialiste. J'estime, comme le rapporteur thématique, qu'il n'est pas utile de continuer à la défendre en évoquant la peur d'embaucher : si cet argument est bien présent dans le discours de certaines organisations patronales, il est extrêmement rare de l'entendre dans la bouche de petits patrons. J'ai entendu certains collègues dire que, dans leurs permanences, on parlait de la justice prud'homale comme de la raison pour laquelle de petits patrons n'embauchaient pas ; j'aimerais rencontrer ces chefs d'entreprise… Aujourd'hui, un chef d'entreprise embauche parce que son carnet de commandes le justifie, parce qu'il a envie de conquérir un nouveau marché, parce qu'il a décidé d'innover ou de se diversifier, bref parce qu'il en ressent le besoin économique ou commercial – il ne commence pas par se préoccuper des aléas qui, au terme d'un conflit, pourraient l'amener devant les prud'hommes où il serait peut-être condamné pour licenciement abusif. Fort heureusement, les choses ne se passent pas comme cela.

L'encadrement proposé par le Gouvernement restreint la liberté du juge prud'homal, sa capacité à exercer son discernement et à distinguer un licenciement où le chef d'entreprise s'est certes montré négligent, mais où il est de bonne foi, d'un licenciement qui procède d'une volonté d'enfreindre la loi. Les niveaux d'indemnisation ne sont pas les mêmes.

Si j'ai bien compris, les rapporteurs, dans leur grande sagesse, cherchent à établir un barème qui se rapproche des situations aujourd'hui constatées. C'est une solution que je soutiendrai, mais à quoi bon ? Pourquoi imposer cette harmonisation de Mulhouse à Aix-en-Provence, alors que tous les syndicats de salariés y sont hostiles ? Bref, le jeu en vaut-il la chandelle ?

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