L'amendement du Gouvernement vise à rétablir l'article 29 qui restreint le champ de l'action en démolition aux seules zones sensibles sans pour autant porter atteinte aux modalités de démolition de droit commun.
Avant d'être supprimé par le Sénat, l'article 29 a donné lieu à de longues discussions en première lecture qui ont conduit à en limiter la portée et, de ce fait, à en réduire l'efficacité. Depuis, la question a été à nouveau travaillée par le cabinet et les services de Mme Sylvia Pinel, ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité.
Lors de nos précédents débats, nous nous sommes retrouvés dans des situations inextricables et face à des problèmes que nous n'avions pas résolus. Je vais donc essayer d'être précis et pédagogue.
Cet article 29 ne concerne pas la démolition des constructions édifiées sans permis de construire. La mesure proposée ne concerne donc pas, par exemple, les habitations construites en zone rouge des plans de prévention des risques (PPR). Qu'est-ce que l'action en démolition ? C'est la possibilité d'obtenir la démolition d'une construction si celle-ci est, d'une part, réalisée conformément à un permis légal et, d'autre part, si ce permis a été annulé pour excès de pouvoir par la juridiction administrative. Dans le cas d'une construction sans permis, la démolition peut être obtenue en saisissant le juge civil ou le juge pénal. L'article L. 480-13 du code de l'urbanisme que nous proposons de modifier ne s'applique pas au cas des constructions édifiées sans permis. Je tiens à être clair sur le sujet, car une ambiguïté était demeurée en première lecture.
La construction dans une zone constructible après obtention d'un permis, mais qui ne respecterait pas ce document, pose un autre problème. En l'état du droit en vigueur, l'article L. 480-13 ne s'applique pas, et il ne s'appliquera pas davantage après la réforme, car si les prescriptions du permis ne sont pas respectées, nous ne sommes pas dans le champ de l'action en démolition, et les mécanismes de droit commun de la démolition s'appliquent.
Quel est le seul cas concerné par la réforme que nous proposons ? C'est celui d'une construction dans une zone constructible non sensible pour laquelle le permis délivré n'est pas conforme au plan local d'urbanisme (PLU). Après la délivrance d'un permis et l'édification de la construction conformément à ce dernier, ce document peut faire l'objet d'un recours pour non-conformité au PLU et être annulé. Aujourd'hui, le permis est annulé à l'issue d'une procédure pouvant durer cinq ans, compte tenu de l'appel, voire plus longtemps. Le temps que l'annulation soit prononcée, la construction peut tout de même être terminée. La procédure d'action en démolition est engagée dans les deux ans qui suivent la décision d'annulation du permis mais, dans les faits, la démolition n'est pratiquement jamais prononcée au terme de parfois six ans de procédure – elle l'est dans les cas résiduels d'une illégalité de fond importante et ayant des effets manifestement disproportionnés.
Nous proposons une réforme parce que les longs délais de recours, additionnés à ceux de l'action en démolition, ont entraîné une pratique de chantage qui conduit à un système de budgétisation par les promoteurs d'un « droit de recours ». Par ailleurs, les banques prennent prétexte d'une potentielle démolition pour ne pas octroyer de prêt permettant de financer la construction. Le ministère du logement estime aujourd'hui qu'au moins 40 000 logements sont ainsi bloqués, faute de pouvoir obtenir les garanties d'emprunt en raison de la menace d'action en démolition.
Dans le cas d'une construction dans une zone constructible non sensible dont le permis délivré n'est pas conforme au PLU, l'amendement vise en conséquence à supprimer l'action en démolition de l'article L. 480-13, qui serait donc recentrée uniquement sur les zones sensibles.
Si le permis est annulé, comme il n'y aura plus de procédure d'action en démolition qui allonge les délais de quatre ans – deux ans pour lancer l'action et deux ans pour le jugement – seules les modalités de droit commun perdureront. Le blocage observé du côté des banques n'aura plus lieu d'être et les projets pourront être relancés. Cela ne diminuera en rien les voies de recours de droit commun.
Cette mesure de bon sens faisait partie des mesures de simplification présentées dans le rapport sur la construction et le droit au recours remis au Gouvernement en 2013 par M. Daniel Labetoulle. La rédaction qui a d'abord été proposée comportait des ambiguïtés ; celle qui vous est soumise aujourd'hui en a été purgée. Je remercie ceux d'entre vous qui se sont investis sur ce sujet en première lecture, en particulier M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Cette mesure attendue sera efficace.