Intervention de Philippe Varin

Réunion du 10 juin 2015 à 9h45
Commission des affaires économiques

Philippe Varin, président du conseil d'administration d'Areva :

Là encore, je regrouperai les questions par thèmes.

M. Blein, Mme Rohfritsch et M. Mathis m'ont interrogé sur la situation financière. Sur les 4,6 milliards de pertes au titre de l'exercice 2014, environ 4,4 milliards correspondent à des écritures exceptionnelles, dont 2,6 milliards en pertes de valeur. Ce dernier chiffre résulte d'une estimation de la valeur comptable de nos actifs rapportée aux projections d'activité, estimation qui nous a conduits à baisser cette valeur pour l'aligner sur les cash flows futurs. Sur ces 2,6 milliards, on compte au demeurant presque 1 milliard d'impôts différés actifs. En somme, le groupe a dépensé 2,6 milliards dans le passé : ce chiffre ne correspond évidemment pas à des dépenses à venir.

Les provisions, elles, sont constituées en vue de débours futurs : 700 millions de perte à terminaison sur l'EPR finlandais, 200 millions sur les énergies renouvelables, 400 millions de provisions pour risques et des provisions de fin de cycle. Pour me résumer, 40 % des 4,4 milliards de pertes correspondent à des débours futurs. La question qui se pose est donc celle du financement. Les analystes ont estimé à 6 ou 7 milliards d'euros les besoins de liquidités du groupe. En fait, nous avons indiqué publiquement que le cash flow négatif serait compris, en 2015, entre 1,3 et 1,7 milliard d'euros, hors dépenses de restructuration, le retour à un cash flow positif ne devant intervenir qu'en 2018. De plus, le groupe doit rembourser les porteurs d'obligations à hauteur de 2 milliards en 2016 et 2017. Au final, les chiffres ne sont donc pas très éloignés de ceux parus dans la presse.

Ces trous de trésorerie devront être financés grâce à plusieurs blocs, à commencer par les efforts que la société fera sur elle-même à travers le plan de performance – qui, au départ, requiert d'ailleurs des dépenses, de sorte que le solde net ne sera pas considérable – et des désinvestissements périphériques. Le deuxième bloc est constitué par ce qu'EDF mettra sur la table pour Areva NP, le troisième par l'augmentation de capital et le quatrième par des opérations relatives aux nouvelles obligations.

Dans la mesure où je ne connais pas les autres termes de l'équation, monsieur Mathis, je ne puis répondre à votre question sur le niveau souhaitable de recapitalisation. L'État, aux termes du communiqué du 3 juin, mettra néanmoins ce qu'il faut.

Le chiffre d'affaires du futur Areva représentera environ 60 % de celui du groupe actuel. Quant à la valorisation d'Areva NP, je ne puis anticiper les conclusions du comité ad hoc.

Autre sujet d'ordre financier : le risque afférent à la procédure arbitrale pour l'EPR finlandais. Les sommes réclamées par le consortium Areva-Siemens au client Teollisuuden Voima (TVO), société finlandaise, se montent à 3,5 milliards d'euros. Le consortium, lui, se voit réclamer 2,3 milliards par le même TVO. La procédure se poursuit selon le calendrier fixé par le tribunal arbitral. Une sentence partielle doit être prononcée, mais nous ne savons pas quand ; elle livrera aux parties l'opinion des arbitres sur certains aspects importants du litige. La sentence définitive, elle, peut prendre plusieurs années : nous ignorons quand elle interviendra, mais la société reste confiante sur ses capacités à démontrer que les retards du chantier ne sont, pour l'essentiel, pas de son fait.

Avec la Chine, Madame Massat, nous élaborons une feuille de route pour des opérations industrielles. Les projets Taishan 1 et 2 doivent bien entendu être menés à bien, et China national nuclear corporation (CNNC) et China general nuclear power corporation (CGN) s'associeront probablement au projet Hinkley Point, établissant ainsi un lien capitalistique avec EDF. Quant à Areva, il possède huit coentreprises en Chine, dont deux gagnent de l'argent. Des contrats sur l'aval sont également en cours de négociation avec les partenaires chinois. Leurs modalités ne sont pas encore définies sur le plan commercial, mais commencent à l'être sur l'aspect technique. Nous avons d'autres discussions aussi, notamment dans le domaine de la conversion. Taishan 3 et 4 seront envisagés à plus long terme, car les Chinois n'ont pas pris de décision à ce sujet ; ils le feront probablement si Taishan 1 et 2 rencontrent le succès. En tout état de cause, l'option chinoise n'est pas à exclure dans les opérations de capitalisation d'Areva NP ou du groupe.

L'adaptation à l'après Fukushima, madame Massat, est l'un des objets du plan de performance. Cet accident a d'abord rendu nécessaire des opérations de sûreté sur certains réacteurs, et imposé de nouvelles normes d'exploitation pour les réacteurs EPR ; enfin il a eu des conséquences sur le volume d'exploitation – d'où la nécessité d'ajuster nos effectifs aux nouvelles réalités du marché.

Comment en est-on arrivé là et quels enseignements tirer de la situation ? Celle-ci, monsieur Chevrollier, résulte de problèmes de gestion et de décisions malencontreuses. Toute décision est prise dans un contexte précis, sur la base de la meilleure analyse possible. Il appartient ensuite aux organes de gouvernance de se prononcer. La structure actuelle, composée d'un conseil d'administration et d'une direction générale, me paraît être la bonne ; depuis le début de l'année, le comité stratégique du conseil d'administration s'est réuni cinq fois ; cela représente un « challenge » utile pour la direction générale, d'autant que les échanges se déroulent dans un esprit constructif. La qualité du dialogue social est aussi un facteur important, les représentants du personnel étant à même de relayer la réalité du terrain, que l'on a tout intérêt à prendre en compte.

C'est à M. Lévy, madame Batho, qu'il appartient d'évoquer les conséquences de l'opération pour EDF. D'autre part, il faut en effet réfléchir avant de s'engager avec la Chine ; aussi n'y a-t-il aucune précipitation à ce sujet, comme vous le constatez. Toute opération financière vient en support d'un projet industriel ; c'est pourquoi des partenariats industriels bien établis doivent la précéder. Il convient aussi d'avoir une vision à l'échelle mondiale, afin de vérifier l'alignement des planètes sur les intérêts respectifs des parties prenantes.

L'équipe de France du nucléaire, madame Rohfritsch, jouit d'une bien meilleure image à l'étranger qu'en France. Tout doit être fait pour préserver et valoriser cette image, bien entendu. Plutôt que le terme de « démantèlement », qui suggère que les entités ne sont pas coordonnées, je préfère celui de « coopération », qui implique que chacun participe à l'oeuvre commune tout en jouant sa partition. Cela suppose un recentrage des activités d'Areva, nous en sommes conscients, mas la partie est jouable.

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