Madame la rapporteure, vingt ans après la ratification de la Convention européenne pour la protection du patrimoine archéologique, le rapport que nous examinons aujourd'hui nous alerte et nous mobilise sur la situation de l'archéologie préventive. L'entame de votre rapport est claire : l'archéologie préventive est en souffrance. Vous en examinez les causes avec talent et compétence. Particulièrement l'une d'entre elles : le financement.
Dès la mise en place de la loi sur l'archéologie préventive, nous avions conscience de la difficulté : celle d'assurer le financement de l'INRAP, de l'archéologie préventive et, partant, naturellement, de faire de peser ce financement sur les opérateurs et les aménageurs. Depuis cette date, convenons que députés et gouvernements successifs n'ont jamais assumé ce financement au point de l'appeler RAP. Quel nom !
Votre rapport juge le dispositif de la RAP complexe, avec un rendement insuffisant. Vous proposez plusieurs solutions. La budgétisation emporte votre adhésion, mettant fin, du moins est-ce l'espoir, aux rallonges budgétaires de dernières minutes et affirmant ainsi un choix.
Pour autant, chacun sait les dangers de la budgétisation. C'est pourquoi la création d'une nouvelle taxe sur les mutations de terrains à bâtir – faible taux, assiette large –, en remplacement de la RAP actuelle serait peut-être une idée, même si l'heure n'est pas aux nouvelles taxes. Ne permettrait-elle pas de sécuriser le financement ? Reposant sur un des aspects principaux de l'activité économique du secteur, elle me semblerait préférable aux ajustements budgétaires successifs. Vous entendre sur ce sujet serait intéressant.
Je reste sur des considérations économiques. Votre rapport constate une concurrence accrue – voire déloyale pour certains – entre les acteurs du secteur. À l'origine de cela, la concentration de l'action de l'INRAP sur les grands chantiers d'aménagement du territoire. Il ne pouvait en être autrement : l'INRAP est la seule structure qui a été et qui est à même d'accompagner les grandes infrastructures, et elle se doit d'être disponible sur l'ensemble du territoire.
L'Institut, en manque de ces grands chantiers, se trouve aujourd'hui en concurrence avec des opérateurs privés qui n'hésitent pas à pratiquer, au moins pour certains, une tarification anormalement basse. Car en archéologie préventive, il y a aussi des salaires et des prestations, si bien que, de deux choses l'une : soit on baisse radicalement les salaires pour être en concurrence avec l'INRAP, soit on n'effectue pas la réalité des prestations, notamment dans la recherche. Non seulement cela affaiblit l'INRAP, mais cela met en danger la science archéologique.
Un contrôle plus affirmé sur le résultat et la recherche liée aux fouilles effectuées par le secteur privé serait utile. Mais est-il possible pour les services régionaux de l'archéologie (SRA), insuffisamment dotés, d'exercer cette mission ?
Pour conclure, je souhaite aborder la question de la recherche. Votre rapport s'interroge sur ce qu'est la recherche en archéologie. C'est une vraie question et les réponses que vous apportez sont tout à fait intéressantes. Car l'incertitude dans la définition du périmètre de la recherche et le flou quant au partage des rôles entre les multiples acteurs concernés permettent des discours sans fin.
Votre rapport propose l'inscription du rôle du CNRA et des commissions interrégionales de la recherche archéologique (CIRA) dans la loi. Il importe effectivement d'accorder une plus grande visibilité à ces instances qui, par leur composition, bénéficient d'une grande légitimité et d'une compétence indiscutable.
Bref, votre rapport est incontestablement utile pour l'archéologie, chère collègue. Le Gouvernement comme nous-mêmes devons nous en saisir, afin de mettre un peu plus de raison dans ce secteur. Je n'oublie pas que la meilleure façon de conserver les vestiges du temps est de les laisser là où ils sont. L'archéologie préventive n'est qu'une archéologie d'urgence dont la finalité est, non pas de faire payer par des tiers son financement, mais seulement de permettre, dans le respect des conventions internationales et de nos lois, le déploiement de l'activité économique.
Pour conclure, permettez-moi de rappeler les propos de Charles de Montalembert : « La mémoire du passé ne devient importune que lorsque la conscience du présent est honteuse. »