Intervention de Gilles-Pierre Levy

Réunion du 28 novembre 2012 à 16h30
Commission de la défense nationale et des forces armées

Gilles-Pierre Levy, président de la deuxième chambre :

En ce qui concerne les bases de défense, nous avons travaillé dans le droit fil des orientations tracées par l'Inspection des armées en 2009. En faut-il 20, 22 ou 24 ? Je n'en ai pas la moindre idée. Il semble que l'exemple à suivre soit celui de sites comme Toulon ou Brest, où la proximité physique favorise la mutualisation des moyens. Cela devient plus difficile lorsque les unités sont éloignées les unes des autres. La réponse la moins mauvaise consiste alors à maintenir des implantations locales coordonnées par une base centrale. Cela permet au commandant de base, s'il en a l'autorité, d'arbitrer plus aisément entre les priorités et, au surplus, de supprimer les états-majors intermédiaires. Avec 70 bases - comme cela avait été envisagé à un certain moment –, il est difficile au chef d'état-major des armées de parler directement avec les différents commandants de base. Le ministère de la défense avance pas à pas dans la voie du moins mauvais compromis possible et nous considérons pour notre part qu'il y a sans doute des économies à réaliser en progressant dans cette direction.

Les achats constituent un sujet sensible. Lorsque l'on remet en cause un contrat d'équipement, l'armée économise en moyenne 60 % de la dépense prévue – le pire cas connu étant celui du VBCI où l'État n'a économisé que 23 % de la dépense. Cela se justifie du reste dans la mesure où le préjudice de l'industriel est réel, celui-ci ayant calibré ses chaînes de montage pour plusieurs années au profit d'un projet qui n'ira pas complètement à son terme. Cela présente aussi un coût en matière de gestion budgétaire, la dépense ayant été étalée sur plusieurs exercices. Une bosse budgétaire en crédits de paiement a donc été créée pour les années 2016-2020. Déjà connu en 2009, ce type de remise en cause présente un coût élevé et un rapport coût efficacité nettement défavorable.

Les achats de fonctionnement courant représentent 2,5 milliards et les achats de maintien en conditions opérationnelles des matériels 3,5 milliards. Peut-on faire mieux en matière de méthodes d'achats ? Depuis une trentaine d'années, les industriels des grandes entreprises ont tenté de professionnaliser les processus d'achat, avec l'apparition d'écoles d'achat, en France – notamment à Bordeaux – comme à l'étranger.

S'agissant des achats courants, un service des achats d'État a été créé au ministère de l'économie et des finances en vue de diffuser les bonnes méthodes et d'atteindre un bon niveau de mutualisation. Si l'on comprend aisément que l'on achète des voitures au niveau national, il est évident que l'achat d'heures de ménage se passe mieux à l'échelon local. Lorsque les contrats présentent une certaine durée, il est également important de pouvoir les suivre dans le temps pour ne pas se faire piéger par des clauses mal rédigées au départ.

En ce qui concerne les achats relatifs au maintien en conditions opérationnelles des armées, l'une des principales difficultés tient au fait que dans nombre de cas, celui qui est le mieux placé pour entretenir un matériel, c'est celui qui l'a fabriqué. Le ministère est alors confronté à une situation de monopole qui le place en position de faiblesse car, à titre d'exemple et pour paraphraser une publicité, « qui mieux que Dassault peut entretenir votre Rafale ? » Il faut en outre noter que les acheteurs professionnels ne sont pas répartis en nombre adapté aux volumes d'achats : il y en a une quinzaine pour la petite base de Bourges et seulement cinquante pour traiter les 800 millions d'achats du service central de maintenance. Le volume d'achats par acheteur est donc souvent disproportionné.

La DGA dispose d'un service chargé d'enquêter sur les coûts, le bureau d'enquête et de contrôle des coûts – BEDC. Ses effectifs sont cependant très inférieurs à ceux que l'on dénombre au Royaume Uni ou en Allemagne et il n'obtient pas toutes les informations nécessaires, en particulier de la part des entreprises en situation de monopole. Enfin, il est positionné trop bas dans la hiérarchie, et il consacre 80 % de son activité au calcul des coûts d'achat de nouveaux matériels pour seulement 20 % au contrôle des charges de maintenance. Or, paradoxalement, on se trouve en position plus faible lorsqu'on sollicite de la maintenance que lorsqu'on procède au premier achat.

En résumé, les méthodes d'achats ne sont pas assez professionnalisées et il y a là un gisement d'économies potentielles de plusieurs centaines de millions d'euros.

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