Mon intervention va dénoter quelque peu. J'entends bien tout ce que vous avez dit les uns les autres, sur la nécessité de rétablir des relations apaisées. J'ai bien entendu le vocabulaire diplomatique employé ici à base d'amitié, de sérénité et de confiance. Mais de quoi parlons-nous ? Nous parlons d'un protocole additionnel à la convention d'entraide judiciaire qui est, vous l'avez dit Madame la Présidente, un acte de confiance, pour reprendre le vocabulaire employé par M. Chatel, à l'égard du Royaume du Maroc. Qu'il faille rétablir des relations diplomatiques plus sereines, certes, mais faut-il comme l'a dit le ministre des Affaires étrangères marocains le 15 janvier dernier, mettre fin « à la porosité constatée au coeur même du pouvoir avec certains lobbies qui portent atteinte à la sérénité de nos relations ». Qui sont ces lobbies ? Ce sont l'ACAT, Amnesty International, la FIDH, la Ligue des droits de l'homme et Human Right Watch. Voilà l'enjeu du débat.
Il a été objecté qu'un certain nombre des dispositions du Protocole sont floues. Je me réfère à l'alinéa 2 de l'article 2 : « chaque Partie informe immédiatement l'autre Partie des procédures relatives à des faits pénalement punissables dans la commission desquels des ressortissants de cette dernière sont susceptibles de voir leur responsabilité engagée ». On peut en faire une lecture, qui n'est pas celle que vous avez faite Madame la Présidente, qui est de dire que dès qu'il y a une procédure engagée par un ressortissant français ou marocain pour des faits commis au Maroc, les autorités marocaines doivent être immédiatement informées. Si nous sommes dans une situation qui s'est améliorée par rapport aux années précédentes –cela ne me pose aucune difficulté de le dire car c'est tout à fait juste – néanmoins la situation n'est absolument pas simplifiée ni sécurisée pour des ressortissants marocains qui ont trouvé en France accès à la Justice.
On ne peut pas laisser dire ici non plus au sujet de la convocation de ressortissants marocains, qu'il faudrait demander aux juges de faire plus attention comme l'a dit M. Myard. Qu'est-ce que cela signifie ? On voit l'immense ambiguïté. Nous faisons rentrer la Justice et les magistrats français dans un débat diplomatique qui est compliqué, qui pourrait créer un précédent, même si on ne peut pas en être certain. Qu'est ce qui empêche un Etat de demander de telles dispositions sans se référer à un cas particulier comme la relation franco-marocaine, mais à des méthodes de travail ou d'informations ? On objectera que la qualité des relations entre la France et le Maroc est spécifique, que la qualité de la coopération judiciaire est exemplaire, mais, justement, n'allons-nous pas la fragiliser en rendant cette coopération judicaire très vulnérable ?
Les remarques faites sur les motivations diplomatiques de ce protocole sont compréhensibles. Il est heureux que vous ayez rappelé que la France n'est pas exemplaire sur un certain nombre de sujets : l'encellulement individuel, mais aussi la garde à vue, la durée d'instruction ou de jugement, ce qui nous vaut d'être régulièrement condamnés par la Cour européenne des droits de l'homme. Faut-il pour autant mettre en péril certaines procédures aujourd'hui engagées en France ? La question est posée. Si nous ne sommes pas exemplaires, si nous ne respectons pas la cohérence de nos principes non plus, la situation devient difficile.
Beaucoup de points peuvent être sujets à interprétation – et cela a été fait sans doute avec une grande attention pour laisser planer une différence d'interprétation du texte avec la volonté de se sortir de l'ornière. Ce flou peut aussi se retourner contre nous dans la mise en oeuvre du protocole, et, de l'avis du groupe Ecologistes, de manière très préjudiciable aux citoyens français et marocains sur des sujets difficiles pour lesquels ils font confiance à la justice française. C'est pourquoi le groupe Ecologiste votera contre le projet de loi.