Je vous remercie de vos remarques et de vos questions. À Jacques Myard, je répondrai que j'ai pesé mes mots : je n'ai pas dit que le texte était mal rédigé mais qu'il souffrait d'imprécisions juridiques. La convention de 2008 en souffre d'ailleurs elle-même en partie. Ces imprécisions, ce flou, pourraient-ils fragiliser l'indépendance de la Justice ? Je ne le crois pas car le texte est précis sur un point : le juge français fait ce qu'il croit devoir faire en toute autonomie.
Les auditions de nombreux magistrats ne m'ont pas donné l'impression que les magistrats n'étaient pas conscients de la question de l'unicité de l'État et des enjeux diplomatiques de certains dossiers. Ceux que j'ai rencontrés déploraient tous l'interruption de la coopération. Personne, y compris parmi les opposants au texte, ne nie la nécessité de la réconciliation. Cécile Duflot, dans son intervention, non plus. Cela dit, le principe de l'indépendance de la justice ne souffre pas d'exception. L'exécutif doit évidemment s'abstenir de toute intervention auprès du pouvoir judiciaire, c'était ma pratique lorsque j'en étais chargée, c'est aujourd'hui inscrit dans la loi. Au demeurant, dans tous les contacts que j'ai pu avoir avec le Maroc, à aucun moment on ne m'a indiqué qu'on souhaitait que la France aille contre ses principes, ses engagements internationaux, ou ses règles de procédure pénale. La demande du Maroc est, ni plus ni moins, celle d'un minimum de considération pour son système judiciaire.
La question du mandat d'arrêt est un autre sujet, qui finira par entrer dans les moeurs. Lorsque j'ai travaillé sur le mandat d'arrêt européen, j'étais considérée comme hérétique, mais les mentalités changent.
Qu'en est-il de la question de l'homosexualité, M. Myard. En droit français, la question ne se pose évidemment pas, l'homosexualité n'étant pas un délit. Supposons une demande d'entraide du Maroc pour des faits d'homosexualité. La France aura toujours la possibilité de refuser une demande d'entraide émise dans ce cadre. Il faut faire confiance au juge.
Je n'ai pas vu la convocation qui a été portée à la résidence de l'ambassadeur du Maroc. Cela étant, quand un magistrat instructeur est saisi, il doit instruire. Je suppose que c'était le cas, mais il y a eu en l'espèce méconnaissance des usages diplomatiques.
Il n'y a pas eu de demande similaire de la part d'autres pays pour le moment et s'il devait y en avoir, la France apprécierait en toute liberté si la coopération avec cet autre pays justifie un traitement parallèle. Il faut tenir compte de la qualité de la coopération bilatérale qui justifie une attention particulière à l'information donnée. Encore une fois, chaque magistrat est libre d'agir. Les autorités marocaines ont été blessées, elles ont souhaité un geste politique qui marque notre confiance ; ce texte a une signification politique. Il pourrait y avoir des recours, mais je suis confiante.