Intervention de Mireille Imbert-Quaretta

Réunion du 12 juin 2015 à 9h00
Groupe de travail sur l'avenir des institutions

Mireille Imbert-Quaretta :

Vous avez évoqué les conséquences de l'attribution au CSM de prérogatives en matière d'inspection, de formation et de gestion de carrière. Une grande partie des services du ministère de la justice devraient notamment être transférés au CSM. Celui-ci deviendrait-il alors un ministère de la justice sans garde des sceaux ? Dans ce cas, l'existence d'un garde de sceaux ou d'un ministre de la justice se justifierait-elle encore ? Dans le Dictionnaire de la justice, Christian Vigouroux abordait la question des conséquences de la suppression du ministère de la justice pour l'administration pénitentiaire ou la protection judiciaire de la jeunesse, mais aussi pour la politique pénale. Il faut savoir que 80 % des affaires relèvent du civil et seulement 20 % du pénal, alors que la justice n'est connue que pour les affaires pénales.

Aux termes de la Constitution, « le Gouvernement détermine et conduit la politique de la nation ». Est-ce à dire que, en cas de suppression du ministère de la justice, il ne lui appartiendrait plus de déterminer les grandes orientations dans le domaine de la justice, notamment en matière pénale ?

Il est utopique de croire que l'addition des instructions individuelles peut faire une politique pénale générale. À partir de combien d'instructions individuelles peut-on commencer à faire une politique pénale ? avait demandé Élisabeth Guigou. Poser cette question, c'est déjà lui donner une réponse négative. Ce sont deux choses totalement différentes, même si elles ne sont pas sans lien.

Mais, si le garde des sceaux ne donne plus d'instructions individuelles et n'intervient plus dans la définition de la politique pénale, s'il devient un ministre croupion, une chose est sûre, il y aura toujours un ministre de l'intérieur dans un gouvernement.

La police judiciaire n'a pas été entièrement transférée du ministère de l'intérieur au ministère de la justice. Le ministre de l'intérieur continue à bénéficier des remontées d'information avant le ministre de la justice, d'autant que, désormais, la gendarmerie dépend fonctionnellement du ministère de l'intérieur. Jusqu'à présent, en jouant des différences entre la police et la gendarmerie, il était possible de se ménager une certaine autonomie dans le choix des enquêteurs et dans la conduite des enquêtes. Maintenant, c'est fini, tout est au ministère de l'intérieur et y restera.

Nous ne sommes plus à l'époque où Michel Poniatowski pouvait dire : « J'ai fait relâcher des manifestants. » Cela n'empêche pas que, de temps à autre, on entend le ministre de l'intérieur commenter des enquêtes judiciaires dont il ne devrait pas avoir connaissance, puisqu'elles sont censées être sous le contrôle des magistrats. Dans la phase d'enquête préliminaire ou de flagrance, le ministre de l'intérieur ne devrait rien savoir. Or il sait, c'est lui qui commande, ce n'est pas le ministère de la justice ; c'est rarement le procureur qui dirige. Il faut se soumettre au principe de réalité. Les lois prévoient que le procureur de la République conduit les enquêtes. Pourtant, à 90 %, celles-ci sont des enquêtes préliminaires d'office dont le parquet n'aura pas connaissance.

Ce qui est en jeu, ce ne sont pas seulement les modalités de nomination, mais l'équilibre dans la conduite de l'enquête. Le parquet est la porte d'entrée pénale, mais sa faiblesse ne vient pas seulement de l'absence de double clé pour sa nomination.

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