Intervention de Denis Salas

Réunion du 12 juin 2015 à 9h00
Groupe de travail sur l'avenir des institutions

Denis Salas :

Je ne suis pas dans l'esprit de la CEDH pour mesurer l'impact qu'aurait sur sa jurisprudence une nomination du parquet par le CSM. Ce serait assurément une étape très importante, mais peut-être pas suffisante. Depuis le temps que nous la réclamons, cette évolution ne pourrait être que souhaitable, même si elle ne correspond pas aux standards d'excellence de la CEDH. La mutation sera plus importante encore lorsque la culture d'autonomie se sera installée, mais cela prendra du temps. J'ai rappelé deux siècles de culture d'obéissance, de soumission, de déférence. Les hommes et les femmes de ce corps très hiérarchisé devront s'autoriser à prendre une place qui n'est pas celle que l'histoire les avait habitués à occuper. L'acquisition de cette culture d'autonomie dans les décisions et les réquisitions prendra du temps. Les justiciables seront confrontés à des hommes et à des femmes, non pas à des principes, qui devront se persuader que leur culture n'est plus celle de la soumission mais de l'autonomie raisonnable.

Les nominations avalisées par le CSM auraient pour conséquence de professionnaliser le corps des procureurs et de le prémunir contre les dérives que provoquent certains appétits de carrière. Elles apaiseraient bien des ambitions. Nous avons vu cette évolution en Belgique : lorsque les nominations ont été avalisées par le Conseil supérieur de la justice, il a été possible d'organiser la profession en dehors d'une perspective de carrière.

J'ai peu de choses à dire sur l'aide juridictionnelle. Je pensais que notre pays n'était pas mal placé en Europe. Mme Taubira s'est, semble-t-il, attelée à cette question qui mérite une réflexion.

Pour conclure, nous sommes les héritiers d'une culture qui ne nous prépare pas au changement. À cet égard, le rôle du Parlement est important car nous avons besoin qu'on nous montre la voie. Le corps ne sait pas très bien sur quel pied danser, victime des revirements à chaque changement de gouvernement, oscillant entre soumission et autonomie. Cette situation ne peut plus durer. C'est pour cette raison que la CEDH nous condamne régulièrement. L'État de droit mérite d'être stabilisé. Cela passe, me semble-t-il, par cette réforme du CSM et des parquets. Vous pouvez inciter le Président de la République et le Gouvernement à aller dans cette direction. Le moment est venu. Nous avons trop attendu. Nous payons cet atermoiement par un mouvement perpétuel de construction et de déconstruction de l'État de droit qui n'aura pas de fin. C'est à vous de nous aider à construire un État de droit digne de notre démocratie.

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