Intervention de Fleur Pellerin

Réunion du 17 juin 2015 à 9h30
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Fleur Pellerin, ministre de la Culture et de la Communication :

Je tiens au préalable à saluer le travail du rapporteur M. Patrick Bloche et de la rapporteure pour avis Mme Corinne Erhel, et à souligner que nous avons tous le souci que le saut technologique soit un vrai progrès pour tous les Français sans exception.

Sous une apparence assez technique, cette proposition de loi, vouée à accompagner une évolution spectaculaire des usages et des technologies numériques, est d'une grande importance politique et me tiens d'autant plus à coeur que je me suis intéressée au sujet sous diverses casquettes. J'avais d'ailleurs annoncé en mai 2013 devant l'IDATE – Institut de l'audiovisuel et des télécommunications en Europe – la décision de principe prise par le Président de la République d'affecter la bande 700 MHz aux usages mobiles.

L'objet premier de la proposition de loi est de permettre la réaffectation de la bande de fréquences 700 MHz au haut débit mobile, dont les usages sont en très forte augmentation, les Français optant de plus en plus massivement pour la presse en ligne, la vidéo à la demande, la télévision de rattrapage, la radio et la musique en ligne. Il est donc nécessaire aujourd'hui d'accompagner ces usages et de créer un cadre dans lequel les professionnels des médias pourront continuer à innover ; c'est un enjeu essentiel pour l'avenir de notre création et pour la force de frappe de nos industries créatives.

Le deuxième grand objectif du texte est de permettre la modernisation de la TNT, qui est le premier moyen d'accès des Français à la télévision. Elle constitue une plate-forme de référence à laquelle les téléspectateurs sont extrêmement attachés et qui reste aujourd'hui le socle du financement de la création audiovisuelle et cinématographique française.

Aujourd'hui, la TNT est plébiscitée par nos concitoyens, et je suis donc très attachée à ce que le rôle social essentiel de cette télévision pour tous puisse être conservé au gré des évolutions des usages et des technologies. La TNT doit donc continuer à proposer des services toujours plus innovants pour répondre aux attentes des acteurs économiques mais surtout pour répondre aux attentes de l'ensemble des téléspectateurs, notamment les plus fragiles économiquement.

Loin de constituer un danger, la progression de la réception de la télévision par l'ADSL et la fibre introduit une concurrence fertile qui rend l'innovation nécessaire. L'augmentation continue de la taille des écrans de télévision et de leur qualité d'image, combinée avec les nouvelles habitudes des téléspectateurs, rendent aujourd'hui inéluctable la généralisation du format de diffusion en haute définition, puis en ultra-haute définition sur la TNT. Les écrans diffusant en 4K et bientôt en 8K sont des innovations incroyables, et il convient d'ores et déjà d'anticiper sur l'arrivée de ces normes de diffusion, qui deviendront très prochainement la qualité de référence.

Afin d'accompagner ces avancées et compte tenu de la rareté du spectre, les technologies de codage vidéo de la TNT doivent également être modernisées. Cette proposition de loi permet donc le remplacement pour toutes les chaînes, dès avril 2016, de la norme MPEG-2, norme standard lancée il y a dix ans, par la norme MPEG-4, qui permet d'optimiser l'utilisation du spectre. Cette nouvelle norme permettra bien à l'ensemble des téléspectateurs d'avoir accès à la totalité des chaînes gratuites en haute définition. C'est l'objet de l'appel à candidatures que vient de lancer le CSA.

Comme pour toutes les migrations technologiques, l'arrêt du MPEG-2 ne doit pas se faire au détriment du public, et nous devons veiller à accompagner cette transition, en particulier auprès des plus fragiles, car la télévision joue un rôle primordial dans la vie de nos concitoyens et dans la fabrication du lien social.

Cette transition fera donc l'objet d'un accompagnement très précis, et je me félicite d'être en phase sur ce point avec le rapporteur, aux amendements duquel le Gouvernement se ralliera, puisque nous avons déposé les mêmes.

Les aides financières et l'accompagnement technique seront mis en oeuvre pour permettre aux foyers les plus modestes encore équipés de récepteurs uniquement compatibles avec le MPEG-2 de renouveler leur équipement. Là aussi, vous proposez avec raison, monsieur le rapporteur, de reprendre les dispositifs d'aide prévus pour le passage au « tout numérique », qui ont montré leur efficacité. Le Gouvernement vous soutiendra donc dans cette démarche.

Je serai particulièrement attentive à l'accompagnement de tous les téléspectateurs, de manière à ce qu'aucun foyer, à la veille de l'Euro 2016, ne se retrouve devant un écran noir du fait de cette mutation, y compris ceux qui perdraient l'accès au signal hertzien à l'occasion des replanifications de fréquences. Nous sommes en ordre de marche pour accompagner cette transition et si j'ai tenu à être présente ce matin, c'est pour vous apporter toutes les réponses aux questions que vous vous posez sur les dispositifs de soutien envisagés.

La décision de passer à la norme de compression MPEG-4 ne concerne que la télévision hertzienne terrestre. Vous m'avez interrogée, monsieur le rapporteur, sur l'accompagnement des foyers dépendant du câble et du satellite : la modernisation du parc et du réseau de diffusion relève de la compétence et de la seule responsabilité des opérateurs, que rien n'oblige à passer au MPEG-4 dans les mêmes délais que la TNT. Ils souhaitent le faire pour améliorer la qualité du service rendu à leur public, ce qui est une excellente chose, mais aussi pour optimiser leurs coûts de diffusion. Il est donc normal qu'ils assument le coût de cette migration, comme cela avait été le cas lors du passage au « tout numérique ».

Cette transition sera par ailleurs accompagnée d'une large campagne de communication qui se déploiera à la fois au plan national et au plan local, pour que chacun soit parfaitement informé des événements à venir et puisse s'assurer de la conformité de son équipement. Le Gouvernement est bien conscient des difficultés opérationnelles liées à l'arrêt du MPEG-2 dès avril 2016, mais ce calendrier resserré a aussi pour objectif de répondre rapidement au besoin de libérer des fréquences pour le haut débit mobile. Il correspond peu ou prou à celui adopté par l'Allemagne, selon les préconisations remis par Pascal Lamy à la Commission européenne. Il permettra d'assurer le passage au MPEG-4 avant l'Euro 2016, de manière à ne pas perturber la retransmission de cet événement exceptionnel, et en assurera une diffusion de meilleure qualité.

Enfin, il est nécessaire que la bande de fréquences affectée à l'audiovisuel en dessous de la bande 700 MHz reste allouée à ce secteur au moins jusqu'en 2030, avec une clause de rendez-vous. C'est un signal fort que nous souhaitons envoyer aux éditeurs de services audiovisuels, en les dotant d'une visibilité suffisante pour sécuriser leur prochain cycle d'investissements et accompagner la modernisation de cette plate-forme de référence.

C'est aussi pour accompagner les éditeurs de services de télévision que la proposition de loi prévoit que les coûts des réaménagements nécessaires à la libération des fréquences ne seront pas à leur charge mais à celle de ceux qui en seront les premiers bénéficiaires, c'est-à-dire les opérateurs mobiles.

D'autres professionnels s'inquiètent de l'impact de cette transition, notamment les prestataires techniques de diffusion, qui devront interrompre la diffusion de deux multiplex pour libérer les fréquences. Le Gouvernement a donc décidé de lancer une mission d'expertise, destinée à évaluer le plus précisément possible l'impact économique et financier de l'arrêt du MPEG-2 et de la suppression de ces deux multiplex sur les acteurs de la diffusion. Les conclusions de cette mission fourniront une base solide de diagnostic.

Dans quelques mois, la cession de la bande 700 MHz sera soumise à un processus d'enchères. Le Gouvernement sera naturellement particulièrement attentif à ce que cette opération s'effectue selon des modalités propres à valoriser au mieux les intérêts patrimoniaux de l'État et à ce qu'elle se traduise pour tous les Français par une amélioration de leurs offres numérique et télévisuelle.

En ce qui concerne France 24 enfin, la vocation première de l'audiovisuel extérieur de la France est de porter au-delà de nos frontières un regard français sur l'actualité mondiale. Pour autant, la vitalité de l'activité internationale sur notre territoire, où séjournent de nombreux étrangers, donne toute sa pertinence à une diffusion des antennes de France Médias Monde sur certaines portions de ce territoire. En Île-de-France, RFI est diffusée en FM depuis 1991 et la version française de France 24 a été lancée en TNT le 23 septembre 2014. Dans le cadre des négociations en cours du contrat d'objectifs et de moyens pour 2016-2020, le Gouvernement étudiera les éventuelles opportunités d'extension de cette diffusion. En tout état de cause, dans un cadre financier contraint, ces développements ne pourront être opérés au détriment de la diffusion mondiale des médias de l'audiovisuel extérieur.

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