Intervention de Patrick Bloche

Réunion du 17 juin 2015 à 9h30
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPatrick Bloche, rapporteur :

Nos échanges de ce matin, auxquels je vous remercie d'avoir si activement participé, montrent toute la place qu'occupe le Parlement dans ce débat.

Monsieur Riester, vous avez regretté que ce sujet ne donne pas lieu au dépôt d'un projet de loi, mais de grandes réformes sont d'origine parlementaire, et je garde à titre personnel un souvenir précieux de la loi créant le pacte civil de solidarité (PACS) il y a quelques années. Nous avons travaillé en étroite collaboration avec le Gouvernement, mais nous n'avons pas été « télécommandés », pour reprendre l'expression de Mme Virginie Duby-Muller. Nous avons ainsi fait voter un amendement à la loi du 15 novembre 2013 relative à l'indépendance de l'audiovisuel public créant la commission pour la modernisation de la diffusion audiovisuelle (CMDA), même si les parlementaires intéressés par ces questions se sont réunis de manière informelle avant même la mise en place officielle de la CMDA.

Il s'agit de poursuivre la modernisation de la TNT, car ce texte s'inscrit dans un processus initié par la loi du 1er août 2000 définissant le cadre législatif du déploiement de la TNT et poursuivi par son lancement effectif, sous l'impulsion d'un grand président du CSA, M. Dominique Baudis. À cette époque, certains demandaient déjà du temps et réclamaient d'attendre le développement de la norme MPEG-4 ; face à ces résistances, M. Baudis avait perçu l'intérêt de la TNT, notamment en termes de pluralisme des opérateurs, et a donc imposé sa mise en oeuvre, jusqu'à l'extinction définitive du signal analogique en 2009. Aujourd'hui, nous accomplissons une nouvelle étape qui sera marquée par le passage au tout MPEG-4 en avril 2016 et par le réaménagement des fréquences entre 2017 et 2019. Comme l'ont noté MM. Jean-Noël Carpentier et Rudy Salles, nous nous inscrivons dans un mouvement international et européen. Madame Duby-Muller, nous avons prévu plusieurs dispositions pour que le passage à la norme HEVC dans les années à venir ne nous contraigne pas à modifier la loi. Les évolutions technologiques ne seront donc pas entravées par un retard de la législation.

Le ministère de la défense sera le principal bénéficiaire de cette vente – le montant se trouve d'ailleurs inscrit dans le budget en cours d'exécution –, mais j'ai retenu le souhait, exprimé par M. Michel Pouzol et par Mme Isabelle Attard, de voir une partie du produit de la vente aux enchères de la bande 700 MHz bénéficier au secteur culturel ou à la création audiovisuelle. Je n'ose espérer, madame la ministre, que vous récupériez l'intégralité du montant de cette transaction ; s'il en était ainsi, les budgets qu'obtenait M. Jack Lang entre 1981 et 1986 apparaîtraient soudain bien faibles !

Nous confierons à l'ANFR la mission d'assurer la réussite du passage à la norme MPEG-4 et du réaménagement des fréquences ; elle a déjà montré ses capacités lors du passage au tout numérique, et nous ne devons pas susciter d'inquiétudes excessives, comme la survenue d'un écran noir en avril 2016. Mme Corinne Ehrel préconise avec raison que le calendrier retenu soit évalué avec les opérateurs et les diffuseurs. J'en profite pour remercier la commission des Affaires économiques d'avoir très pertinemment déposé un amendement relatif à l'enjeu essentiel de l'aménagement du territoire, notamment dans l'attribution de la bande 700 MHz aux opérateurs mobiles. Je souhaiterais que notre Commission intègre cette préoccupation dans le texte.

Il importe également de prendre en compte les inquiétudes relatives aux zones frontalières ; en 2009, le passage au numérique avait déjà entraîné une perte de la réception des chaînes étrangères qui étaient reçues en analogique dans ces territoires. Il s'agit donc d'un problème ancien, mais qui s'avère indépendant des normes, si bien que l'on peut être rassuré sur ce point.

Madame Annie Genevard, je partage votre préoccupation de ne pas creuser les inégalités territoriales – notamment au détriment des zones rurales de montagne – et sociales. Tous les spectateurs doivent bénéficier d'une réception télévisuelle de bien meilleure qualité.

Madame la rapporteure pour avis au nom de la commission des Affaires économiques, vous avez lancé une alerte sur le besoin de disposer d'un stock d'adaptateurs suffisant pour pouvoir équiper l'ensemble des postes de télévision, y compris secondaires. Notre rapidité à adopter ce dispositif législatif constituera une garantie pour que les fabricants s'inscrivent dans cette dynamique.

Je vous remercie, madame la ministre, d'avoir évoqué le déploiement d'une mission d'expertise pour les trois diffuseurs techniques qui subiront le plus l'impact de l'arrêt des multiplex R5 et R8. Cela prouve que le Gouvernement a bien à l'esprit la nécessaire indemnisation financière résultant de la fin anticipée des contrats. Madame Ehrel, vous avez souligné l'importance de l'évaluation de cette indemnisation, car nous avons entendu, au cours des auditions que nous avons conduites, des chiffres très différents. Les diffuseurs techniques et les chaînes de télévision doivent être indemnisés à hauteur du préjudice réellement subi.

La situation de Free ne concerne pas directement le travail que nous effectuons ce matin. Les opérateurs mobiles devront supporter des coûts, comme l'a indiqué Mme Duby-Muller, liés à l'acquisition des nouvelles fréquences libérées de la bande 700 MHz, aux réaménagements de fréquences et à la résolution des brouillages.

Monsieur Christophe Premat, le sous-titrage se développe déjà actuellement et l'on peut souhaiter que ce mouvement se poursuive afin de satisfaire davantage les téléspectateurs, mais cette évolution n'est pas conditionnée par un changement de norme.

La stimulation de la diversité doit-elle venir des opérateurs actuels ou doit-on privilégier l'entrée de nouveaux entrants ? Certains amendements nous offriront l'opportunité de nous pencher sur cette question, notamment celui traitant de la revente de la chaîne Numéro 23. À ce sujet, comme l'a fait remarquer M. Marcel Rogemont, la deuxième lecture du projet de loi porté par M. Emmanuel Macron, ministre de l'Économie, de l'Industrie et du Numérique, a intégré le passage de 5 à 20 % du taux de la taxe appliquée à la revente d'une chaîne de la TNT acquise moins de cinq ans auparavant. Ceux qui soutiennent cette avancée ne devraient donc pas voter la motion de censure contre le Gouvernement !

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