Je rends hommage à la sagesse du Gouvernement, qui a bien voulu retirer de l'ordre du jour de l'Assemblée nationale un texte qui posait problème, non seulement au député de l'opposition que je suis mais à beaucoup d'entre nous. Avoir signé l'accord entre la France et les Etats-Unis sur l'indemnisation de certaines victimes de la Shoah déportées depuis la France, non couvertes par des programmes français c'est avoir commis une double faute. Comme je l'ai écrit à chacun de mes collègues commissaires et à vous-même, monsieur le ministre, n'est pas en cause le principe de l'indemnisation des victimes de nationalités américaines ou de leurs ayants droits, mais la méthode choisie. Il était très facile d'étendre à ces personnes le bénéfice du décret du 13 juillet 2000 et de leur faire savoir qu'elles pouvaient présenter leur demande d'indemnisation aux postes diplomatiques français aux États-Unis. Vous avez choisi une négociation d'État à État, et j'ai plusieurs reproches à vous faire à ce sujet.
D'abord, vous avez retenu des termes profondément choquants. C'est une insulte à la mémoire de tous ceux qui se sont battus de donner la dénomination de « gouvernement français » à un gouvernement de criminels, collaborateurs des Allemands. Pour nous, cette terminologie est inacceptable – même si les États-Unis, à l'époque, reconnaissaient le « gouvernement de Vichy » – et je ne m'explique pas que le ministre ou les services juridiques du Quai d'Orsay aient laissé passer cela.
Ensuite, par cet accord, nous donnons l'impression de céder à un imperium juridique américain de plus en plus visible, celui que l'on voit à l'oeuvre dans les amendes infligées à BNP-Paribas, l'arrestation de cadres de grandes entreprises étrangères sur lesquelles on met ensuite main basse ou les derniers soubresauts à la FIFA. La loi américaine s'applique de plus en plus dans la vie des entreprises, voire des États, et nous semblons nous soumettre à l'avance, en échange d'une « paix juridique durable ». Vous dites que nous avons toutes les garanties pour que cette paix soit absolue ; pour avoir vérifié auprès de confrères avocats américains, je suis moins tranquille que vous à ce sujet.
Enfin, il est profondément choquant que cet accord soit le parallèle de celui que l'Allemagne, puissance coupable et vaincue, a signé avec les États-Unis à propos des travailleurs forcés. Je suis certain que beaucoup de mes collègues, de toutes tendances politiques, ont, comme moi, du mal à accepter que la France soit mise sur le même plan que l'Allemagne pour payer cette indemnisation. La République française consent à indemniser ces victimes, mais elle n'en a pas l'obligation juridique car elle n'a pas été coupable des crimes commis à leur encontre. L'application de l'article 79 de la convention de Vienne sur le droit des traités permettra de corriger l'erreur de formulation ; nous examinerons avec soin les instruments avant de nous prononcer. Restera le très gênant parallélisme entre cet accord et l'accord germano-américain. Mais il faut en effet trouver une solution, sinon pour aider la SNCF du moins pour rendre justice aux victimes et à leurs ayants droits.
Dans un autre domaine, il est de l'intérêt de notre pays de signer le protocole additionnel à la convention d'entraide judiciaire en matière pénale entre la France et le Maroc, mais le texte n'est pas parfait sur le plan juridique et je crains qu'il ne soit fusillé par la Cour européenne des droits de l'homme dès qu'elle en sera saisie.
En Syrie et en Irak, gérer le processus de l'extérieur est d'une difficulté extrême. Votre suivisme d'une Amérique qui n'a aucune stratégie dans la région me paraît de plus en plus patent, et cela a des conséquences négatives tant sur les résultats que sur le poids de la France dans cette entreprise. J'exprime donc les mêmes réserves qu'Axel Poniatowski sur votre politique, ou plutôt votre absence de politique en Syrie, et sur ce qui se passe en Irak. Celui qui pense convaincre les autorités irakiennes de former un gouvernement inclusif peut toujours rêver. Quant aux bombardements aériens, je ne vois pas à quoi ils servent et je ne sais pourquoi nous y participons ; vous devrez, un jour, l'expliquer aux Français.
J'étais avec M. Sarkozy en Israël hier (Mouvements divers). Vous entendez déposer, au nom de la France, un projet de résolution sur la Palestine devant le Conseil de sécurité des Nations Unies ; cette intention nous laisse très dubitatifs, sinon très hostiles. On n'imposera pas la paix de l'extérieur, avec des dates butoirs. Avec un procédé de cette sorte, comme avec le boycott qui est en train d'être organisé contre Israël, on parviendra à l'inverse de ce que l'on souhaite, l'encouragement à négocier.