Je salue la tenue de cette audition de deux présidents de grandes entreprises européennes. Mon sentiment est aujourd'hui mitigé. J'éprouve en effet une certaine nostalgie à l'égard d'une époque où, dans ma jeunesse d'ingénieur des télécommunications, on comptait en France trois entreprises en ce domaine : Sagem, Alcatel et Matra. Demain, plus aucune entreprise d'équipementier télécom ne sera française. Monsieur Suri, comment faire en sorte d'en conserver une qui soit européenne ? Comment nous assurer aujourd'hui que vous préserverez le capital, important pour la France, de nos ingénieurs des télécoms et des réseaux, et que nous pourrons ainsi conserver au fil des ans cette industrie majeure pour nos réseaux de télécommunications, et par conséquent pour la sécurité des États ?
Je salue également le travail effectué depuis 2012 par la nouvelle direction d'Alcatel-Lucent, mais aussi par l'ensemble de son personnel qui s'est pleinement investi dans le plan Shift. Corinne Erhel et moi-même avons visité le site de Villarceaux il y a quelques mois, lors de l'inauguration de sa nouvelle plateforme de développement. J'y ai alors été très impressionnée par le foisonnement d'innovations et l'ouverture de ce site vers l'ensemble de l'écosystème numérique français, permettant au groupe Alcatel de déceler le plus en amont possible les innovations de rupture qui pourraient être opérées dans des startups extérieures et donc de maintenir son avance technologique. Monsieur Suri, envisagez-vous dans l'avenir de conserver le mode de fonctionnement actuel de ce site ? Quant au rôle d'Alcatel dans la filière numérique française, quel pourra être l'impact de la fusion d'Alcatel-Lucent et de Nokia sur les liens entre Alcatel et ses fournisseurs, notamment les PME numériques françaises que nous avons dans tous nos territoires ?
Si une fusion d'entreprises est toujours fort perturbante pour les salariés, vous avez annoncé qu'il n'y aurait pas de suppressions d'emplois en France. Je salue cet engagement, mais comment se concrétisera-t-il ? Votre restructuration nécessitera sans doute des licenciements mais peut-être aussi des embauches : quel en sera l'ordre de grandeur ?
Enfin, depuis que Microsoft a racheté à Nokia son activité de téléphonie mobile et qu'Alcatel a cessé cette même activité, nos téléphones portables ne fonctionnent plus correctement en téléphonie ! Je l'affirme en tant que députée élue dans des territoires ruraux. Les smartphones sont d'excellents ordinateurs portables microscopiques mais de mauvais téléphones. Ne pourriez-vous pas vendre des prestations de conseil en ce domaine, de concert avec l'ensemble de vos ingénieurs en recherche et développement, afin que nos mobiles, qu'ils soient fabriqués par Apple ou par Microsoft, redeviennent performants en tant que téléphones de demain ?