Pour éviter la déqualification et l'effet miroir dénoncés par Mme Crozon, le Gouvernement avait envisagé de proposer un amendement pour conjurer le risque de confusion entre le harcèlement, tel qu'il sera désormais défini, et l'agression sexuelle, voire le viol : il se serait agi d'écarter les notions de menace et de contrainte figurant dans la définition de l'agression sexuelle donnée par l'article 222-22 du code pénal. Dans la pratique cependant, les déqualifications se produisent déjà et elles sont dues, non uniquement à une confusion sur les textes, mais aussi aux délais d'audiencement devant la cour d'assises, qui conduisent à « correctionnaliser » certains crimes pour réduire les délais de jugement. L'amendement déposé par Mmes Coutelle et Neuville, qui met en avant la notion de « pression grave », est sans doute plus précis que le nôtre et le Gouvernement y donnera probablement un avis favorable.
Nous étions également préoccupés par les risques de pénalisation des témoins. Depuis la recodification du code du travail en 2007, en effet, la discrimination dans le travail à la suite d'un témoignage sur un fait de harcèlement n'était plus sanctionnée pénalement. Le présent projet de loi rétablit cette sanction, car nous estimons que protéger le témoin, c'est protéger également la victime en facilitant la charge de la preuve.
Aux articles 3 et 3 bis du projet, nous avons renvoyé au code pénal pour les dispositions pertinentes du code du travail tandis que nous réécrivions intégralement l'incrimination au sein du statut des fonctionnaires. Le texte pourrait sans doute être utilement amendé en donnant la même « autonomie » au code du travail qu'à la loi portant droits et obligations des fonctionnaires.
Enfin, à propos du harcèlement moral, il se pose un problème d'échelle des peines dans le code pénal. Les modifications de ces dernières années y ont introduit un relatif désordre en aggravant certaines sanctions, en particulier pour les atteintes aux biens, de sorte que celles-ci sont parfois plus sévèrement punies que certaines atteintes aux personnes. Rétablir une totale cohérence entre ces deux types de délits était matériellement impossible ; nous avons donc choisi de limiter cet effort au seul champ des délits à caractère sexuel, tout en déplorant des distorsions contraires à nos valeurs à tous. Nous sommes donc d'accord pour que la sanction du harcèlement moral, infraction à la fois très destructrice et très répandue, soit alignée sur celle à laquelle expose désormais le harcèlement sexuel, et donc portée d'un à deux ans d'emprisonnement. Mais aller plus loin sur le reste nous paraît aujourd'hui précipité, étant donné l'urgence dans laquelle nous travaillons.
Il faut enfin souligner le rôle essentiel des actions de sensibilisation. Le ministère de la Justice a donc l'intention d'en mener auprès des élèves magistrats, dans le cadre du programme de l'École nationale de la magistrature (ENM).