Intervention de Joël Giraud

Séance en hémicycle du 24 juin 2015 à 15h00
Questions au gouvernement sur des sujets européens — Sauvetage de la grèce

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJoël Giraud :

Monsieur le ministre des finances, l’échéance du 30 juin, à laquelle la Grèce doit rembourser au Fonds monétaire international la bagatelle de 1,6 milliard d’euros, n’a jamais été aussi proche. Pour cela, la Grèce doit obtenir la reprise de l’aide financière de ses créanciers européens, par le biais principalement du Fonds européen de stabilité financière, dans le cadre d’un accord ardu sur une série de réformes et mesures budgétaires drastiques dans un pays déjà asphyxié.

À notre époque postmoderne, le paradoxe ne choque plus. En effet, les créanciers prêtent à l’État grec pour que celui-ci les rembourse, à la condition supplémentaire qu’il applique des mesures d’économies subsidiaires. Ce cercle économique vicieux est devenu le principe même de l’endettement de nos États.

Je me permettrai un petit détour historique, ce qui permet souvent de renouer avec le sens pratique.

Dès les temps de la Mésopotamie antique, les rois babyloniens effaçaient l’ardoise lorsque la machine économique et sociale se grippait. Les empereurs sumériens avaient trouvé une solution simple : ils coupaient la tête aux prêteurs et observaient un principe de jubilé – tous les 49 ans, les dettes étaient annulées et les esclaves retrouvaient leurs biens. Bien plus tard, la loi biblique du jubilé disposait que les dettes seraient automatiquement annulées tous les sept ans.

Selon David Graeber, universitaire mondialement connu pour son récent best-seller Dette : 5 000 ans d’histoire, l’effacement de la dette par les créanciers dans l’Antiquité leur permettait utilement d’éviter la colère populaire qui aurait poussé les paysans à brûler les tablettes, papyrus, grands livres et autres registres de dettes.

Plus récemment, le Plan Marshall, en effaçant une partie de l’accumulation de la dette allemande, a permis au continent européen de renaître après la Seconde guerre mondiale, sans que personne ne s’en offusque, ni sur le plan moral, ni sur le plan économique. L’Islande, quant à elle, est sortie récemment de la crise en effaçant les dettes des ménages et des PME.

Les prêts bilatéraux de la Grèce les plus problématiques auprès des pays de la zone euro ne représentent que 16 % de l’ensemble de la dette qui menace la stabilité financière de l’Europe : ce n’est pas marginal, mais c’est mineur.

Monsieur le ministre, ma question est simple : comment justifiez-vous que, dans les sommets en cours, le reprofilage la dette grecque soit relégué au rang de sujet de seconde importance ?

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