Intervention de François de Rugy

Séance en hémicycle du 24 juin 2015 à 15h00
Accord france-États-unis sur l'indemnisation de certaines victimes de la shoah — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançois de Rugy :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, madame la présidente de la commission des affaires étrangères, monsieur le rapporteur, chers collègues, nous examinons aujourd’hui le projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le gouvernement français et le gouvernement américain sur l’indemnisation de certaines victimes de la Shoah, déportées depuis la France et non couvertes par les programmes d’indemnisation français. Il s’agit d’un débat particulièrement sensible, auquel nous sommes très attentifs, qui touche à l’une des pages les plus sombres de notre histoire, et qui appelle de notre part tout à la fois de l’empathie, de la rigueur et du discernement.

Je rappellerai en quelques mots l’objectif poursuivi par cet accord : mettre en place de nouvelles mesures d’indemnisation des victimes de la Shoah déportées depuis la France. En effet, en droit français, l’indemnisation des victimes civiles de guerre est placée sous condition de nationalité. Elle par ailleurs possible pour les nationaux de pays ayant signé une convention de réciprocité avec la France. Elle est enfin prévue pour les personnes qui ont été déportées et ont acquis la nationalité française suite à leur déportation.

Ce régime d’indemnisation ne couvre donc pas les personnes déportées depuis la France mais n’ayant pas acquis la nationalité française ultérieurement, ou leurs ayants droit, soit environ 500 personnes – principalement de nationalité américaine ou israélienne – d’après les chiffres fournis par notre rapporteur en commission. Ce vide appelait incontestablement un ajustement de notre droit, a fortiori dans le contexte actuel, marqué par le soixante-dixième anniversaire de la fin de la Seconde Guerre mondiale.

C’est donc pour pallier cette situation que le gouvernement français a engagé des négociations avec le gouvernement américain. Ces négociations ont abouti à la signature de l’accord qui nous est aujourd’hui soumis, et qui prévoit la création d’un fonds ad hoc de 60 millions de dollars pour indemniser les personnes qui échappent aujourd’hui au régime de réparation en vigueur. Bien que mes collègues l’aient déjà mentionné, je rappelle également que depuis son premier passage en commission des affaires étrangères le 27 mai dernier, le texte a évolué.

Dans sa version initiale, le projet de loi comportait une référence au « gouvernement de Vichy » qui a suscité un très vif débat. Notre collègue Pierre Lellouche a notamment considéré que cette mention établissait « expressément l’idée que le Gouvernement de la République Française est le continuateur du gouvernement de Vichy ». Son intervention en commission des affaires étrangères a éveillé des interrogations, tant parmi les rangs de la majorité que parmi ceux de l’opposition. Et cela a conduit, d’une part, à la suspension de l’examen du texte, d’autre part, à une nouvelle phase de négociation entre le ministère des affaires étrangères et les États-Unis d’Amérique, afin de s’accorder sur une nouvelle rédaction, rendue possible au titre de l’article 79 de la Convention de Vienne sur le droit des traités, qui autorise des modifications de forme pour des accords déjà validés entre les parties.

Le Gouvernement s’est donc engagé à modifier le texte en séance, afin de remplacer la référence au « gouvernement de Vichy » par la formule consacrée : « autorité de fait se disant gouvernement de l’État français ». Je crois qu’il nous revient à tous de saluer l’esprit d’écoute et la recherche de consensus qui ont prévalu dans l’examen législatif de ce texte. En revanche, il ne semble pas nécessaire, à nos yeux, d’alimenter une polémique nouvelle sur la responsabilité de la France dans la déportation des juifs de France, dans la mesure où, sur ce sujet, se sont déjà exprimées les plus hautes autorités de l’État, qu’il s’agisse du Président Jacques Chirac, de l’ancien Premier ministre Lionel Jospin, ou plus récemment du Président de la République, François Hollande.

Si l’opposition continue d’exprimer des réserves, tout à la fois symboliques et juridiques, sur le dispositif prévu, je crois qu’il faut saluer la volonté du Gouvernement de compléter le dispositif d’indemnisation des victimes de la Shoah. En définitive, si, comme cela est prévu, le Gouvernement apporte les modifications rédactionnelles attendues, les écologistes soutiendront ce texte, car cela permettra, comme l’a dit le rapporteur, de réparer une intolérable injustice.

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