Intervention de Pierre Lellouche

Séance en hémicycle du 24 juin 2015 à 15h00
Accord france-États-unis sur l'indemnisation de certaines victimes de la shoah — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPierre Lellouche :

…vous avez argué de l’erreur matérielle, comme s’il s’agissait d’une erreur matérielle. Vous êtes même allés chercher le mot sceau, seau dans le texte initial, ce qui montre à quel point le texte était bien rédigé et de quel zèle vous faites preuve pour réparer les fautes d’orthographe et les erreurs matérielles.

Ces corrections faites, le texte va donc pouvoir être ratifié, mais vous me permettrez de penser qu’à la faute morale initiale que vous avez tenté de réparer maladroitement en indemnisant les ayants droit par cet accord, vous en avez ajouté au moins deux autres. La première est de céder à l’imperium judiciaire et législatif américain, la seconde est de placer, en fait comme en droit, la France sur le même plan que l’Allemagne, héritière, elle, du régime nazi.

En acceptant d’acheter une « paix juridique durable » pour protéger la SNCF, vous n’avez fait que confirmer la tendance évidente toutes ces dernières années de la part des États-Unis à une forme d’imperium politique et économique, et je suis content que Mme Guigou ait repris ce terme.

Les États-Unis, en effet, depuis une quinzaine d’années, n’hésitent plus à utiliser leur justice, parfois appuyée par différentes agences de renseignement, pour faire pression sur des États ou des entreprises étrangères. Les exemples récents abondent de ce fameux soft power à l’américaine, des amendes monumentales contre la BNP pour la violation d’un embargo qui n’était pas reconnu par la France, à l’incarcération de cadres dirigeants d’Alstom avant la vente de ce fleuron de l’industrie nationale aux États-Unis, en passant par les affaires en cours de la FIFA, le dernier épisode étant celui dont tout le monde se goberge aujourd’hui, les écoutes de trois Présidents de la République successifs. Autant, entre alliés et amis, ce genre de comportement est possible en matière de coopération contre le terrorisme par exemple, autant il est insupportable quand il s’agit de relations politiques ou économiques.

Les Républicains attendent donc du Président de la République française qu’il ne se contente pas de faire convoquer l’ambassadrice des États-Unis mais qu’il demande à son homologue américain des explications et des excuses publiques. La France est un grand pays et doit être respectée.

L’autre faute morale tient dans le parallèle entre l’accord dont nous sommes saisis aujourd’hui et d’autres accords signés par l’Allemagne. C’est le plus embêtant, si j’ose dire.

Pour l’accord dont nous discutons aujourd’hui, la France n’a fait que dupliquer un accord bilatéral germano-américain du même type signé en l’an 2000 concernant les travailleurs forcés, dans lequel les autorités allemandes ont obtenu des garanties de paix juridique au bénéfice des entreprises allemandes en échange de sommes d’argent payées directement par l’Allemagne, soit par le Gouvernement, soit par des fondations, aux ayants droit de ces travailleurs forcés. Autrement dit, nous sommes exactement dans le même dispositif. Nous avons accepté le même traitement que les Allemands, héritiers du IIIe Reich, et ça, je ne l’accepte pas, je ne le supporte pas.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion