Intervention de Meyer Habib

Séance en hémicycle du 24 juin 2015 à 15h00
Accord france-États-unis sur l'indemnisation de certaines victimes de la shoah — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMeyer Habib :

…et il ne s’apparente pas à un régime de réparation de guerre. Si la logique financière, avec la mise en place d’un fonds dédié géré aux États-Unis a pu faire débat, il s’agit d’un régime de réparations individuelles, négocié à l’initiative de la France. D’ailleurs, un rapport annuel de gestion sera remis chaque année au gouvernement français.

Le présent accord a le mérite d’exclure la SNCF du champ de responsabilité. En effet, le risque contentieux concernait, comme il l’a été rappelé précédemment, au premier chef la SNCF, accusée de complicité de crime contre l’humanité, si bien que certains se sont demandé s’il n’aurait pas été préférable que l’indemnisation lui incombe, comme dans le cas des banques s’agissant des spoliations bancaires. Cette option a été écartée d’emblée par la France qui a une position claire, exprimée par un arrêt du Conseil d’État de 2007, qui a exonéré la SNCF de toute responsabilité. Sur le plan historique, Serge Klarsfeld, référence incontestable en la matière, a prouvé que la SNCF était un simple rouage du processus d’extermination, réquisitionné par l’occupant, et que sa responsabilité directe ne pouvait être mise en cause. C’est à l’honneur de son président, Guillaume Pepy, d’avoir exprimé sa profonde peine pour le rôle imposé à la SNCF par l’occupant. Il a pu, ou non, y avoir du zèle. Mais cela ne saurait équivaloir à une responsabilité.

L’accord offre une garantie juridique durable au risque contentieux. Les États-Unis s’engagent à défendre l’immunité de juridiction, dont bénéficient l’État français et ses démembrements sur leur sol. Il permet, en outre, de couvrir les initiatives législatives susceptibles de viser l’un des démembrements de la France aux États-Unis, comme cela a pu être le cas de la SNCF. De plus, une déclaration sur l’honneur individuelle devra être effectuée préalablement à toute indemnisation par les bénéficiaires du fonds, pour exprimer leur renoncement à toute indemnisation autre que celle garantie par le fonds.

Pour conclure, s’il ne peut évidemment réparer l’irréparable, cet accord permet néanmoins, en cohérence avec la position juste et honorable, assumée par notre pays depuis 1995, de garantir, bien que tardivement, une indemnisation juste et définitive à celles et ceux qui en ont été privés. Le présent accord permet de clore dans la dignité ce douloureux différend entre la France et un pays ami, les États-Unis.

Un pays ami ?… Mon propos ne serait pas sincère, en ce jour un peu particulier, si je n’exprimais pas à la tribune l’indignation et la déception qui sont également les vôtres, sur tous les bancs de cette assemblée, après les dernières révélations d’espionnage massif et systématique au plus haut niveau de l’État par le gouvernement américain – trois Présidents de la République écoutés en permanence ! En plus d’être irrespectueux, cela est indigne et intolérable de la part d’un pays ami voire d’un allié.

Quelle hypocrisie, quand on sait que les Américains refusent de libérer Jonathan Pollard, emprisonné depuis vingt-neuf ans, un citoyen américain qui a commis une faute grave, en espionnant pour un État allié, Israël en l’occurrence, mais qui a purgé sa peine – vingt-neuf ans ! –, qui est malade et se meurt derrière les barreaux. Mes chers collègues, quelle sanction mériteraient aujourd’hui les États-Unis, si on appliquait la jurisprudence Pollard ?

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