Intervention de Michel Vauzelle

Séance en hémicycle du 24 juin 2015 à 15h00
Accord france-États-unis sur l'indemnisation de certaines victimes de la shoah — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichel Vauzelle :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, madame la présidente de la commission des affaires étrangères, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, à l’heure où la France commémore avec émotion la victoire de la Résistance et la Libération, nous devons nous prononcer sur un accord entre la République et le gouvernement des États-Unis.

Répétons-le – surtout après avoir entendu des propos qui risqueraient de nous faire oublier l’essentiel : l’année 2015 marque le soixante-dixième anniversaire de la libération des camps de concentration et d’extermination, symboles d’une barbarie sans nom. Ce souvenir, nous l’exaltons lorsque le Président de la République fait le choix de faire entrer au Panthéon deux femmes et deux hommes résistants, déportés ou exécutés par l’occupant nazi. Ils symbolisent ce que la France porte de meilleur. Mais la France, à ce même moment, vivait aussi de sombres heures, alors qu’elle était dirigée par Pétain.

Après la guerre, notre pays a reconnu sa responsabilité dans la déportation de milliers de Français, en créant une série d’indemnisations pour les victimes des préjudices liés à la déportation et à la Shoah. Des conventions de réciprocité ont en outre été conclues avec quatre pays ; elles ont permis l’indemnisation par la France des victimes civiles de la guerre de 1939-1945 qui avaient la nationalité du pays cosignataire, lorsque le fait de guerre s’était produit en France ou depuis la France, et réciproquement.

Malgré ces systèmes, trop de victimes des crimes nazis et de la collaboration du régime de Pétain sont encore confrontées à des obstacles pour obtenir une indemnisation, principalement en raison des clauses de nationalités induites par les systèmes auxquels je viens de faire allusion. Soixante-dix ans après, le temps est bien évidemment compté pour réparer ce à quoi le régime de Pétain a collaboré.

Le présent accord vise à construire un mécanisme exclusif d’indemnisation des personnes ayant survécu à la déportation ou de leurs ayants droit. Il exclut toute personne déjà couverte par un autre programme d’indemnisation au titre de la déportation liée à la Shoah.

Depuis les années 2000, de nombreux recours contentieux et législatifs ont été intentés aux États-Unis contre notre pays et ses démembrements. Si tous ont échoué, il existe toutefois un risque que d’autres plaintes soient déposées, notamment contre la SNCF. Par ailleurs, depuis 2005, un projet de loi bipartisan est régulièrement déposé par des membres du Sénat et de la Chambre des représentants en vue de retirer le bénéfice de l’immunité de juridiction des États à la SNCF ; s’il était adopté, cela permettrait à un recours de prospérer devant une juridiction américaine.

C’est pourquoi le Gouvernement de la République a proposé en 2012 à ses partenaires américains de rechercher une solution négociée aux demandes des survivants américains.

Le présent accord se veut équilibré, en indemnisant les dernières personnes exclues des dispositifs existants. L’accord garantit à la France une paix et une sécurité juridiques durables. Les États-Unis d’Amérique, en vertu de l’alinéa 2 de l’article 2 de l’accord, seront contraints de faire respecter l’immunité de juridiction de la France contre toute initiative, à quelque niveau de l’État américain que ce soit.

Cet accord ne doit cependant pas nous faire perdre de vue les engagements des États-Unis, au respect desquels le gouvernement français devra veiller. D’autre part, les États-Unis ne pourront pas déléguer la gestion de ce fonds à des organismes non publics – il s’agit là d’un point très important. Seules les autorités américaines assureront, via ce fonds de 60 millions de dollars, la réception des demandes, leur examen et l’indemnisation des bénéficiaires.

Le gouvernement français devra également s’assurer de la bonne utilisation du fonds par le gouvernement américain : ce dernier est dans l’obligation de communiquer des rapports annuels spécifiques. Le Parlement ne manquera pas de veiller lui aussi au respect de cette obligation.

Je tiens, pour finir, à saluer les membres de la commission des affaires étrangères, ainsi que sa présidente, pour avoir demandé au Gouvernement de substituer à une expression inacceptable l’expression « l’autorité de fait se disant gouvernement de l’État français ». Je salue également l’action du Gouvernement, qui s’est engagé à apporter cette rectification.

Il ne faut cependant pas perdre de vue que l’accord a avant tout un objet humain bien spécifique : l’indemnisation des victimes de la Shoah, individuellement. En cette année 2015, année de commémoration, la conclusion de cet accord revêt un aspect symbolique fort, qui nous rappelle, tout simplement, mais sûrement et nécessairement, les valeurs de notre République – une République solidaire, fraternelle, libre, et qui a une mémoire. C’est pourquoi, chers collègues, je vous invite à voter en faveur de ce texte.

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