La décision du Conseil constitutionnel d'abroger la loi sur le harcèlement sexuel avec effet immédiat me semble particulièrement regrettable, car elle a créé un vide juridique insupportable. Le Conseil a justifié son choix de ne pas laisser un délai pour son application par le fait qu'elle portait sur une disposition d'ordre pénal, mais ce raisonnement peut conduire très loin : si le contrôle de légalité exercé en vertu de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme entraînait l'abrogation d'articles relatif à l'assassinat, faudrait-il remettre tous les assassins en liberté ? Cette décision pose un problème considérable et peut nous mener à des absurdités totales. L'entrée en vigueur de celle qui concernait la garde à vue – laquelle relève pourtant bien de la procédure pénale – avait, elle, été différée ; s'écarter de cette ligne aurait des conséquences graves pour l'équilibre de la société.
Compte tenu des délais impartis, le travail effectué sur le texte est remarquable. Mais nous passons à côté d'une grande réforme pénale qui s'imposait au vu des définitions différentes données du harcèlement sexuel et du harcèlement moral dans le code du travail et dans le code pénal. Il est grave de traiter le second comme un accessoire alors qu'il s'agit d'une infraction majeure qui, depuis dix ans, se propage dans toutes les sphères de notre société, témoignant de la dégradation des rapports sociaux. Il aurait fallu traiter du harcèlement dans sa globalité, en distinguant ensuite deux cas particuliers : le harcèlement moral et le harcèlement sexuel. Or ce n'est pas le cas dans ce projet, en particulier dans la version adoptée par le Sénat, où le harcèlement moral n'apparaît qu'à l'article 3.
Je suis loin de sous-estimer le harcèlement sexuel, qui constitue une aggravation du harcèlement moral, mais un équilibre doit être trouvé entre ces deux formes d'infraction. J'entends donc avec satisfaction Mme la garde des Sceaux reprendre une proposition que j'avais défendue : celle de retenir un même quantum des peines dans les deux cas.
Je voudrais enfin m'assurer qu'il n'y aura pas de rétroactivité en ce qui concerne les faits. La non-rétroactivité est un principe absolu du droit et, même si elle crée une période de non-droit pour les victimes – pour lesquelles on peut créer un fonds d'indemnisation réservé à ce préjudice spécifique –, il est inconcevable de la remettre en cause.
Cette loi est essentielle tant l'émotion est grande parmi les victimes, mais il serait insupportable d'avoir à légiférer à nouveau dans de pareilles conditions.