Intervention de Sébastien Denaja

Séance en hémicycle du 25 juin 2015 à 21h30
Manutention dans les ports maritimes — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSébastien Denaja :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, monsieur le rapporteur, monsieur le rapporteur pour avis, mes chers collègues, j’ai plaisir à défendre ce soir, à cette tribune, au nom du groupe socialiste, républicain et citoyen, une proposition de loi de gauche – disons-le –, qui consolide, renforce et clarifie l’emploi des ouvriers dockers tout en assurant à tous les acteurs une meilleure lisibilité du cadre juridique applicable à la manutention dans les ports maritimes français. Il y avait nécessité, si ce n’est urgence, à agir. Grâce à ce texte utile, le Gouvernement et la majorité vont permettre des avancées notables en la matière.

Le rapporteur l’a rappelé, le cadre d’emploi des dockers a connu de nombreuses réformes depuis la Seconde Guerre mondiale. La loi de 1947 portant organisation du travail de manutention dans les ports maritimes et de navigation créait deux catégories de dockers, les dockers professionnels et les dockers occasionnels, et prévoyait une priorité d’embauche pour les dockers titulaires d’une carte professionnelle. C’est cette loi qui a consacré le régime de l’intermittence de l’emploi des dockers, embauchés à la journée ou pour une vacation et titulaires d’une carte de garantie de docker professionnel, la fameuse « carte G », assurant l’indemnisation du caractère aléatoire de leur emploi. C’est ainsi que, pour contrebalancer le caractère intermittent de leur activité, les dockers professionnels bénéficiaient de la priorité d’embauche.

Plus tard, en mai 1991, Jean-Yves Le Drian est nommé secrétaire d’État à la mer. Il propose un plan de réforme de la filière portuaire, comportant un triple volet : la manutention portuaire, la domanialité portuaire et les accès portuaires. La réforme dite « Le Drian » prévoyait que la majorité des ouvriers dockers devrait être composée de salariés permanents, liés aux entreprises de manutention par un contrat de travail à durée indéterminée. Elle instaurait une gestion de l’effectif des dockers intermittents dont chaque port était responsable, assortie de seuils d’inemploi. Évidemment, ce plan de modernisation s’accompagnait de mesures sociales.

Enfin, en 2008, la réforme portuaire a permis à la manutention d’avoir un commandement unique et intégré sur les terminaux portuaires. Ce n’était pas le cas jusque-là : il y avait d’un côté les entreprises privées de manutention portuaire, propriétaires des engins de manutention « horizontale » et employant les ouvriers dockers, et, de l’autre côté, les ports autonomes maritimes, qui étaient quant à eux propriétaires des engins de manutention « verticale » et qui employaient grutiers et portiqueurs.

En dépit des réformes, de la parution de nombreux décrets et de la rédaction de plusieurs rapports, force est de constater que nous faisons désormais face à de nouvelles problématiques. Aujourd’hui, on l’a dit, le problème majeur auquel nous sommes confrontés est le caractère prochainement obsolète de l’intermittence des dockers.

Il ne reste en effet que quelques dizaines de dockers intermittents – moins de soixante-dix ; tous seront à la retraite en 2018. Il y a donc bien urgence à agir. De plus, s’ajoute une ambiguïté de rédaction de certains articles du code des transports régissant la priorité d’embauche des dockers. C’est ainsi qu’un incident a éclaté en juillet 2013, à Port-la-Nouvelle, dans ma région, le Languedoc-Roussillon – une belle région, mais parfois éruptive ! Il s’agissait en l’occurrence d’un problème de concurrence déloyale entre deux entreprises de manutention portuaire et de non-respect du code des ports maritimes, notamment de l’article fixant la liste des travaux pour lesquels il y a priorité d’embauche des ouvriers dockers. Le cas de Port-la-Nouvelle soulève une question plus générale, concernant l’interprétation de certaines dispositions législatives et réglementaires, qui pourrait aboutir à une remise en cause du métier même d’ouvrier docker. C’est ce qui nous amène au débat de ce soir.

La règle de la priorité d’embauche s’applique en effet dans les ports figurant sur une liste prévue par le code des transports, à savoir « les ports maritimes de commerce dans lesquels l’organisation de la manutention portuaire comporte la présence d’une main-d’oeuvre d’ouvriers dockers professionnels intermittents ». Or, comme je viens de le dire, la catégorie des dockers ayant le statut d’intermittent est en voie d’extinction.

C’est sur ce constat, et après de nombreux échanges avec les parties prenantes, que le ministre délégué chargé des transports, de la mer et de la pêche, M. Frédéric Cuvillier – auquel je veux rendre hommage –, avait décidé de confier la délicate mission de rédiger un rapport sur le sujet à Mme Martine Bonny, inspectrice générale de l’administration du développement durable. S’appuyant sur six mois d’un travail considérable, comprenant consultations, écoute et échanges, le Gouvernement et le Parlement sont aujourd’hui en mesure de présenter cette proposition de loi. Le rapporteur, M. Philippe Duron, a lui aussi mené de très nombreuses auditions ; je le félicite d’autant plus qu’il l’a fait en un temps record – mais on le sait habitué à la grande vitesse.

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