Intervention de Simone Bonnafous

Réunion du 24 juin 2015 à 11h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Simone Bonnafous, directrice générale de l'enseignement supérieur et l'insertion professionnelle :

Certes, mais au prix d'une insuffisance de dépenses immobilières en matière de sécurité et de maintenance, et d'une non-publication de certains emplois. Nous réalisons une enquête annuelle a posteriori sur l'utilisation des emplois, qui a laissé apparaître que 88 % des emplois que nous avions prévus ont été publiés et pourvus. Plus de 60 % de ces postes concernent le domaine pédagogique. Les présidents d'université et les directeurs d'école doivent apprendre à gérer leur masse salariale et arbitrer entre l'emploi et le fonctionnement. Les établissements d'enseignement supérieur bénéficient d'environ 1 000 créations nettes d'emplois annuelles, mais cela n'exclut pas l'existence d'emplois gelés. Leur nombre dépend des années, certains établissements ayant montré moins de prudence que d'autres au moment du passage aux compétences élargies. L'université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines a été l'emblème de cette catégorie, mais elle est revenue à l'équilibre, a dégagé un excédent en 2014 et a commencé à rembourser au budget de l'État le prêt consenti au moment de sa cessation de paiement. Cela montre que les établissements, grâce à une volonté politique et à des cadres administratifs performants, peuvent redresser de mauvaises situations.

Les recteurs sont nos représentants dans les académies et nous nous appuyons beaucoup sur eux, notamment pour les dossiers immobiliers, économiques et stratégiques. Pour qu'il ne soit pas de court terme et qu'il repose sur d'autres éléments que le gel d'emplois, il importe d'adosser l'équilibre économique à une stratégie cohérente. Dans cette optique, le travail conduit avec les recteurs se perfectionne progressivement, le résultat le plus abouti étant à ce jour celui mené à l'université du Havre. En 2012, celle-ci connaissait les difficultés les plus importantes du pays, mais une mobilisation de la rectrice a permis d'aider efficacement le président en l'entourant d'un conseil d'orientation stratégique rassemblant les collectivités locales et les acteurs économiques et sociaux. Cette université a concentré sa politique selon des axes correspondant à son bassin d'emploi et a tissé un partenariat avec les établissements de Caen et de Rouen. Dans l'enseignement supérieur, le recteur jouait un rôle effacé il y a quelques années, mais l'autonomie lui a donné une importance dans l'accompagnement de la définition et de la mise en oeuvre de la stratégie des établissements. Ces derniers doivent se différencier, et les recteurs les aident, avec finesse du fait de l'autonomie, à atteindre cet objectif. Par ailleurs, leur fonction initiale de contrôleur budgétaire s'est également étoffée.

L'université de Lorraine a fusionné, ce qui ne signifie pas que toute l'activité se concentre à Nancy ; de même, la fusion des trois universités d'Aix-en-Provence et de Marseille n'a pas engendré la fermeture du site d'Aix-en-Provence ! Nous accompagnons le mouvement de fusion, mais nous ne le lançons pas ; le ministère n'a élaboré aucun plan de fusion car cela serait contraire au principe de l'autonomie et ne fonctionnerait pas. Même lorsque les établissements souhaitent fusionner, cela peut échouer – comme l'a montré l'exemple de Rennes – si bien que des regroupements décidés au ministère seraient condamnés à l'échec. En revanche, le ministère accompagne les projets, réalise des audits pré-fusionnels, et le recteur s'implique fortement.

Une fusion de deux universités situées dans une métropole, comme celle de Grenoble en janvier 2016, ne recoupe pas complètement la question fondamentale de la place de l'enseignement supérieur – et des autres services publics – dans le territoire national, et de la complémentarité de son rôle local, national et international. J'ai demandé ce matin aux recteurs de me faire parvenir des éléments sur le sujet au moment de la sortie du PIA 2. Nous avons assisté à un colloque de Villes de France pour écouter les préoccupations des élus sur cette question qui se pose aujourd'hui de manière très aiguë. Le recteur jouera un rôle important dans ce domaine de l'équilibre de la présence de l'enseignement supérieur dans le territoire national. Dans une période budgétaire contrainte, les moyens extrabudgétaires comme le PIA sont primordiaux ; à ce titre, nous travaillons à l'amélioration des systèmes d'information, afin de pouvoir connaître l'allocation du PIA par établissement – celui-ci étant attribué à des consortiums. Dans ma lettre de mission, Mme la ministre m'a demandé, en effet, d'améliorer la consolidation des crédits budgétaires et extrabudgétaires.

Vingt et un présidents d'université ont demandé à ce que le modèle d'allocation des moyens budgétaires devienne différenciant ; le président de Paris-VI souhaite que le soutien à la recherche s'accroisse afin de mieux figurer dans la compétition internationale. Mon avis n'est pas arrêté, mais est-on capable, dans la situation budgétaire actuelle, de différencier notre soutien entre, par exemple, les universités de proximité et celles réalisant un effort soutenu en matière de recherche ? Tout le monde s'interroge sur cette question de politique publique générale : nous y travaillons, mais nous n'avons pas trouvé de solution définitive. Les pôles qui ne se situent pas dans la ville siège de l'université et dans lesquels on regroupe des filières de différents établissements, publics comme privés, offrent une piste intéressante ; cette expérience est conduite à Valence, à Sénart, et l'université de Franche-Comté tente de l'importer à Belfort et à Montbéliard.

La question de l'abandon des études se pose dans tous les pays, y compris aux États-Unis où elle touche toutes les universités qui n'appartiennent pas à l'Ivy League. En France, la diplomation des personnes entrées dans l'enseignement supérieur dépasse de dix points la moyenne de l'OCDE ; ce fait reste méconnu. La sortie sans diplôme atteint 20 % contre 30 % dans l'OCDE. Mon service de statistiques a réalisé des analyses du succès des étudiants. Celle-ci ne recoupe pas la réussite de la première année : le taux d'échec y est en effet élevé, mais beaucoup d'étudiants en profitent pour se réorienter et rejoignent un institut universitaire de technologie – IUT –, passent un brevet de technicien supérieur – BTS. Parmi les cinq groupes identifiés par nos statisticiens, l'un présente de vrais risques de sortie de l'enseignement supérieur sans diplôme, mais les autres s'en sortent. De nombreuses personnes rejoignent notamment le secteur social et paramédical. Le ministère, dans le cadre du système dit du « moins trois, plus trois », agit pour que les passerelles entre formations soient connues et empruntées.

La France détient également le record de jeunesse en matière de diplomation, car les études sont plus rapides que dans les pays de l'OCDE. La stratégie nationale de l'enseignement supérieur, qui sera bientôt publiée, développe une réflexion sur le statut de l'étudiant. On se demande si celui-ci ne devrait pas s'assouplir, afin de reposer moins rigidement sur le découpage en années et de reconnaître les sorties provisoires et les retours. Cela permettrait de faire émerger une vraie formation tout au long de la vie.

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