Intervention de Stéphane Distinguin

Réunion du 17 juin 2015 à 18h00
Commission de réflexion sur le droit et les libertés à l’âge du numérique

Stéphane Distinguin, membre du CNNum et du Conseil national de l'industrie, fondateur et président de FaberNovel, président du pôle de compétitivité Cap Digital :

Cette partie s'intitule « Mettre en mouvement la croissance française vers une économie de l'innovation ».

Première caractéristique de l'économie numérique : sa vitesse d'évolution. En ce moment, nous entendons beaucoup parler d'Uber, la société qui a développé des applications mobiles pour voitures de transport avec chauffeur (VTC) : dans un jugement qui vient d'être rendu, l'État de Californie considère que les chauffeurs sont des salariés et non des travailleurs indépendants ; hier, la ville de Paris était bloquée par les chauffeurs de taxi qui jugent cette concurrence déloyale. Uber, entreprise qui n'a pas cinq ans, est valorisée à près de 50 milliards de dollars, c'est dire…

L'économie numérique se caractérise aussi par son internationalisation. Dès ses débuts, une entreprise de ce secteur a non seulement une vocation internationale affirmée, mais elle se place instantanément dans une compétition internationale.

Enfin, il existe une grande variété des modèles d'innovation, comme le montre une étude réalisée par la Fondation pour l'internet nouvelle génération (FING) et la Banque publique d'investissement (BPI). Jusqu'à présent, nous nous sommes sans doute trop focalisés sur l'innovation technologique – c'est un président de pôle de compétitivité qui vous le dit – notamment via le crédit d'impôt recherche (CIR).

Ce rapport synthétise des expériences très variées. Nous venons nous-mêmes d'horizons très différents – chercheurs, responsables associatifs, entrepreneurs, salariés de grands groupes – et nous avons multiplié les rencontres et les déplacements. Nous avons ainsi été amenés à animer des ateliers participatifs, au pôle Euratechnologies de Lille notamment, où j'ai été frappé par ma rencontre avec les créateurs de la start-up Giroptic qui développe une GoPro française. Cette rencontre nous a permis de travailler sur les rapports de force entre grands et petits, car cette start-up était très mécontente de ses relations avec une chaîne de grande distribution du domaine du sport. Nous en avons tiré des recommandations sur ces échanges en matière de sous-traitance mais aussi de développement de produits innovants.

Nos recommandations se répartissent en trois grands domaines : l'innovation agile, la structure du financement de l'économie, l'urgence de la compétitivité.

Dans le premier domaine, nous nous sommes intéressés à la manière dont le numérique pouvait contribuer au renouvellement du dialogue social, à la gestion des marchés publics et au développement de la médiation dans les entreprises. Comment peut-on aider le médiateur à mieux comprendre les relations entre start-up et grands groupes, et à étendre ses prérogatives ?

Nous avons aussi fait une série de recommandations et de remarques sur la stratégie de l'État actionnaire, en particulier au travers de l'Agence des participations de l'État (APE). Au sein du CNNum, les salariés de grands groupes dont l'État est actionnaire expliquent que ce dernier fait souvent preuve d'une certaine schizophrénie : à certains moments, il pousse à la numérisation et à la création d'écosystèmes ; à d'autres, notamment dans le cas de projets d'acquisitions, il se révèle très conservateur sur les méthodes de valorisation.

En matière d'innovation agile, nous avons aussi beaucoup insisté sur la création d'un Innovation act européen. Après l'échec de la stratégie de Lisbonne, comment peut-on renouveler nos voeux européens sur ces sujets ? Nous pensons que nous devons faire cadeau à l'Europe du statut de jeune entreprise innovante, qui fonctionne bien. Nous recommandons l'adoption d'une définition commune de l'innovation, et un assouplissement des règles sur les marchés et les aides publics pour cette catégorie d'entreprises.

Instruits par les expérimentations que nous avons pu faire dans les pôles de compétitivité avec la BPI, nous prônons aussi une petite révolution copernicienne en matière de guichets d'aides et de subventions, par le biais de ce que l'on appelle les fast tracks : il s'agit en fait de simplifier et d'accélérer l'accès aux accompagnements proposés par les organismes de financement et de développement pour ces entreprises en forte croissance. L'idée est de les ravitailler en vol plutôt que de les obliger à faire la queue au guichet, afin de ne pas les détourner de leur trajectoire.

Toutes ces propositions, et des initiatives telles que l'ouverture à Angers de la Cité des objets connectés, visent à favoriser l'éclosion de champions européens. Nous devons trouver les spécificités qui nous permettent de construire ces champions, et ne pas nous contenter de souffler et de désespérer parce qu'ils n'émergent pas ou restent en Californie.

Je vais laisser Marie Ekeland vous parler de nos recommandations dans le deuxième grand domaine : la structure du financement de l'économie.

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