Intervention de Marie Ekeland

Réunion du 17 juin 2015 à 18h00
Commission de réflexion sur le droit et les libertés à l’âge du numérique

Marie Ekeland, membre du CNNum, investisseur en capital-risque et coprésidente de France Digitale :

Avant d'en venir aux financements, je voulais illustrer les propos de Stéphane Distinguin sur la nécessité de changer notre définition de l'innovation telle qu'elle a été historiquement incluse dans les politiques publiques françaises.

En regardant la définition de la jeune entreprise innovante, on constate que des entreprises comme Facebook n'auraient pas rempli ces critères si elles étaient nées en France. Le travail réalisé par la FING sert maintenant à tous les chargés d'affaires au sein de Bpifrance comme modèle d'évaluation du degré d'innovation des entreprises. Ce travail repose sur des études de cas qui montrent que nombre d'entreprises innovantes ne sont pas jeunes : la biscuiterie Poult, née en 1883, a complètement bouleversé son organisation, réduit à deux les échelons hiérarchiques, et incité tous ses salariés à participer au processus créatif des biscuits. Ce mode agile et numérique lui a permis de multiplier son chiffre d'affaires par quatre en cinq ans, et de gagner cinq points de parts de marché dans un secteur pourtant très encombré.

Il était essentiel pour nous de montrer que cette nouvelle dimension de l'innovation ne s'applique pas uniquement aux jeunes entreprises. Toutes les entreprises de notre pays doivent comprendre les nouvelles règles du jeu de l'économie : il faut être compétitif au niveau international, ce qui nécessite un degré d'innovation important mais pas uniquement technologique. Cette démarche peut permettre d'aller chercher des points de croissance bien supérieurs à ceux qui auraient pu être atteints auparavant. En donnant des exemples, en illustrant, en dressant un référentiel très simple, il nous est apparu essentiel de revoir la définition de l'innovation qui est soutenue par les politiques publiques et de la promouvoir au niveau européen. Cette définition est déjà appliquée par Bpifrance mais il reste à en faire découvrir le potentiel positif à tous les entrepreneurs.

Cette nouvelle définition doit pousser à revoir les aides publiques et notamment les crédits d'impôt. À l'heure actuelle, le CIR permet une exonération de 30 % sur les dépenses de recherche qui sont inférieures à 100 millions d'euros, puis de 5 % pour la partie qui excède ce montant. Pour le crédit d'impôt innovation (CII), le taux est fixé à 20 % sur des dépenses plafonnées à 400 000 euros. Il faut repenser ces aides en insistant sur un point : l'innovation ne passe pas uniquement par des brevets de la science dure. Il est essentiel d'élargir cette définition pour favoriser la croissance et d'adapter les politiques publiques à la réalité économique internationale.

Venons-en aux recommandations de notre rapport sur le financement. Pour être compétitif à l'international et innovant, il faut investir en fonds propres. Or 92 % du financement des petites et moyennes entreprises (PME) françaises se fait au travers de la dette bancaire. Ce n'est pas de cette manière que nos entreprises vont redevenir compétitives au niveau international. Il faut repenser complètement leur structure de financement pour que la part des fonds propres soit largement supérieure à ce qu'elle représente aujourd'hui.

Si nous voulons que notre économie puisse aller chercher l'innovation, la compétitivité internationale, les points de croissance, il faut réorienter l'épargne des Français vers des produits en actions. Quand on cherche à comprendre pourquoi les entreprises ont si peu accès aux capitaux, on se rend compte que les incitations fiscales favorisent une épargne à court terme, liquide et sans risque – le livret A ou les contrats d'assurance-vie – et non pas les investissements de long terme et risqués. Tout conseiller bancaire va donc orienter ses clients en priorité vers ces produits d'épargne à court terme, liquide et sans risque.

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