Intervention de Thaima Samman

Réunion du 17 juin 2015 à 18h00
Commission de réflexion sur le droit et les libertés à l’âge du numérique

Thaima Samman :

D'après ma perception du numérique, il me semble qu'on ne peut pas l'encadrer ou le structurer : le principe est que ça arrive de partout et que, à un moment donné, on doit organiser le résultat de ce foisonnement. J'ai été un peu surprise de constater que la plupart de vos interventions et de vos propositions restaient assez françaises, traditionnelles et très « XXe siècle ». Elles semblent reposer sur l'idée qu'on va réinventer une cathédrale pour dans 1 000 ans, et qu'on va mettre 100 ans à la construire parce que c'est quand même un peu compliqué.

Dans votre première intervention, vous avez évoqué les plateformes et la manière de s'assurer de leur loyauté en employant des outils comme le testing et la réputation. Pourquoi ne pas les utiliser dès maintenant ? Il suffit de le décider plutôt que de se mettre à élaborer une nouvelle règle. Idem pour la discrimination : partons du droit existant qui l'interdit déjà, et non pas de la problématique numérique. Comme bien souvent, il s'agit moins de créer des instruments juridiques supplémentaires que de se décider à employer ceux qui existent.

J'ai particulièrement apprécié la présentation sur le financement des entreprises numériques mais elle m'a semblé presque contradictoire avec les propos précédents sur les aides. Nous ne sommes pas obligés de copier les autres, mais la réussite de la Silicon Valley ne tient pas à l'existence d'une banque comme la BPI : les entreprises californiennes trouvent des financements parce qu'elles donnent envie, qu'elles offrent des perspectives. Nous avons effectivement un problème d'organisation de la chaîne de financement, mais je suis extrêmement dubitative sur la capacité de l'État français à financer des entreprises qui seront les Google et les Facebook de demain. Je ne crois pas davantage dans les capacités de l'Union européenne en la matière : le plan Juncker apparaît davantage comme un embourbement bureaucratique et un sujet d'affrontement avec les États membres que comme le moteur d'une dynamique d'où vont émerger des champions internationaux du numérique. Une fois que j'ai dit cela, je n'ai rien résolu. Il faudra du temps avant de faire évoluer le financement des entreprises, et les parts respectives qu'y représentent les fonds propres et la dette bancaire.

Pour conclure, je dirais que je suis assez admirative de votre travail puisque vous proposez carrément de changer le monde. Je ne suis pas sûre que la future loi sur le numérique sera à la hauteur ! Il me semble que, dans le monde numérique, il faut identifier les effets de levier qui sont un peu l'équivalent de la prise de judo : ce sont les instruments qui utilisent les forces en présence pour les orienter dans la bonne direction. Et dans ce monde, l'encadrement nécessaire est probablement très différent de celui auquel nous avons été habitués jusqu'à présent.

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