Intervention de Philippe Aigrain

Réunion du 17 juin 2015 à 18h00
Commission de réflexion sur le droit et les libertés à l’âge du numérique

Philippe Aigrain :

La gouvernementalité algorithmique et l'internet des objets sont unis par un point commun : la volonté de ne pas recourir au travail humain ou de l'instrumentaliser de manière très parcellaire. Il est nécessaire d'avoir une approche critique de la gouvernementalité algorithmique, au besoin en essayant d'introduire des grains de sable dans ses rouages qui, quand ils sont trop bien huilés, peuvent avoir des effets destructeurs sur le tissu social.

En revanche, s'agissant de l'internet des objets, je redoute les effets d'une approche fondée sur la transparence : où sont les capteurs ? Qui les possède ? Qui en tire les bénéfices ? Les avantages d'une telle approche seront plus que compensés par les inconvénients, si on continue à promouvoir le concept d'internet des objets, qui est une aberration majeure.

Dans une brillante conférence qu'il vient de faire à Turin, Bruce Sterling expliquait qu'après douze ans de blablabla sur l'internet des objets, on se rendra compte qu'une autre révolution s'est produite : une nouvelle forme d'automatisation industrielle. Il dessine deux trajectoires possibles. Dans le premier cas, on s'inspire du discours de l'industrie financière sur la création de valeur et on tend à faire croire que les objets eux-mêmes vont passer aux commandes. Dans l'autre, qui paraît légèrement plus souhaitable, les humains restent dans la boucle et aptes à décider de ce qui a de la valeur. Environ 95 % de ce qu'on appelle aujourd'hui l'internet des objets serait alors une impasse, tandis que le reste – c'est-à-dire les nouvelles formes de l'automatisation industrielle – serait extrêmement important.

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