Intervention de François Brottes

Réunion du 24 juin 2015 à 9h30
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançois Brottes, président :

Je remercie nos invités de leur présence parmi nous, dans cette salle, où, le 12 juin 2013, est né le concept du « fait maison ».

J'avais invité à notre table ronde M. Philippe Etchebest, qui anime l'émission « Cauchemar en cuisine », exquise illustration de la difficulté d'accomplir un parcours de créateur et d'entrepreneur. Malheureusement, celui-ci n'a pas pu se joindre à nous.

« À quoi ça sert que Ducros se décarcasse ? » Telle est la question que j'ai envie de poser. La gastronomie française est inscrite au patrimoine de l'humanité ; il faut désormais en faire une réalité de tous les jours. C'est pourquoi les politiques – que l'on se plaît à brocarder dans les restaurants et les bistrots – ont cherché à valoriser ceux qui font réellement de la cuisine en les distinguant de ceux qui se contentent d'acheter des plats cuisinés tout faits et de les réchauffer au four à micro-ondes. Actuellement, ni les cartes ni les prix ne permettent de faire la différence : ce n'est pas parce qu'on n'a pas fait le plat qu'on le vend forcément moins cher… Cela finit par agacer.

On sait qu'au pays de France, on aime bien les chicayas. Si le statut de maître-restaurateur issu de la loi du 17 mars 2014 relative à la consommation a fait l'unanimité, on a bien senti que la profession n'avait pas forcément envie d'aller plus loin. La loi sur la croissance et l'activité a reconnu aux cuisiniers le statut d'artisans. L'opération « Goût de France – Good France », visant à promouvoir à l'étranger le repas à la française, a été lancée. Cependant, le label « fait maison » a du mal à décoller. Il est peu affiché dans les restaurants. J'ai dîné dimanche soir dans un établissement qui affichait l'étiquette « cuisine maison », ce qui m'a paru presque une provocation – quand bien même la cuisine y était excellente…

L'article 7 de la loi du 17 mars 2014 a inséré dans l'article L. 121-82-1 du code de la consommation la définition suivante : « un plat "fait maison" est élaboré sur place et à partir de produits bruts ». Peuvent toutefois entrer dans sa composition des produits ayant subi une transformation nécessaire à leur utilisation. Le « fait maison » est une démarche volontaire, dont le contrôle est réalisé a posteriori par la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), lors du contrôle ordinaire d'un établissement. Les sanctions sont celles prévues en matière de pratiques commerciales trompeuses, soit au plus deux ans d'emprisonnement et 300 000 euros d'amende.

Publié le 11 juillet 2014, le premier décret relatif à la mention « fait maison » a connu un succès mitigé. L'obscurité de sa rédaction, en style purement technocratique, nous a nous-mêmes révoltés. La définition du « fait maison », qui autorisait même l'utilisation de produits surgelés, ne permettait pas réellement de distinguer la cuisine artisanale de la cuisine d'assemblage. Selon la Direction générale des entreprises, moins de 10 % des établissements de restauration commerciale indépendants auraient utilisé cette mention.

Publié le 6 mai 2015, un second décret a redéfini les produits bruts comme les produits alimentaires crus ne contenant, notamment du fait de leur conditionnement ou du procédé utilisé pour leur conservation, aucun assemblage avec d'autres produits alimentaires excepté le sel. Cette rédaction exclut l'utilisation des produits surgelés dans le « fait maison ».

Font exception les produits que le consommateur « ne s'attend pas à voir réaliser par le restaurateur lui-même » : charcuteries, salaisons, pain, pâtes, vins, alcools… On ne peut toutefois présenter comme « fait maison » un plat composé exclusivement de charcuterie, de trois cornichons et d'un coup de pinard, à moins qu'ils n'aient été fabriqués sur place…

Les exceptions prévues pour les traiteurs et les produits vendus dans les foires et sur les marchés demeurent inchangées. Certaines difficultés se posent néanmoins, notamment pour les restaurateurs éloignés de leurs lieux d'approvisionnement ou installés dans les zones de montagne, qui seraient désavantagés par le nouveau périmètre de la mention.

Hier encore, j'ai reçu des courriers de restaurateurs me demandant pourquoi on leur imposait davantage d'obligations qu'aux bouchers ou aux charcutiers. La réponse est simple : le législateur et le Gouvernement ne cherchent pas à les embêter, mais bien à informer le consommateur et à valoriser les restaurateurs qui ont du personnel en cuisine, et pas seulement des micro-ondes, ce qui permet de préserver l'emploi ainsi que la qualité de la gastronomie à la française.

Commençons par entendre le représentant de la technostructure : où en est la mise en oeuvre des différents décrets ?

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