Dans une enquête publiée pendant l'été 2013, nous avions comparé deux assiettes de boeuf bourguignon, l'une répondant aux critères actuels du « fait maison », l'autre produite de manière industrielle. Pour la première, le coût des matières premières était de 2,45 euros ; pour la seconde, il atteignait 4,50 euros. La première demandait au restaurateur un temps de préparation d'une minute ; la seconde, une heure. La première pouvait être réchauffée en trois minutes au micro-ondes, quand le temps global de cuisson du « fait maison » était de trois heures trente…
Un restaurateur qui achète à un fournisseur industriel un tagine au citron et un moelleux au chocolat les paie respectivement 2,47 et 0,99 euros hors taxe, soit un prix total de 3,46 euros, alors qu'il les facturera au moins 15 euros au consommateur. On comprend que celui-ci ressente un certain agacement quand on lui sert des plats tout préparés ou semi-préparés, émanant des nombreuses marques de distributeurs spécialisés ou de grossistes.
Même après la parution du second décret, le consommateur français reste dans l'incapacité de connaître le véritable mode de préparation des aliments. Nous essayons de lui fournir quelques pistes. Notre propos n'est pas de jeter l'opprobre sur certaines pratiques, mais de les identifier. S'agit-il de se sustenter entre midi et deux, un jour de semaine, pour une somme modique, en allant manger dans un établissement, qui de bon droit, utilise des produits peu coûteux et bactériologiquement parfaits, ou de se faire plaisir ainsi qu'à sa famille, en allant dans un restaurant en étant totalement rassuré sur la proportion des produits réellement cuisinés par le restaurateur ? La différence entre les deux n'est pas facile. Entre autres pistes que nous donnons au consommateur, nous suggérons de regarder la longueur de la carte : il est rigoureusement impossible d'élaborer des dizaines de plats dans un restaurant parisien traditionnel, faute de place.
Mais cela ne suffit pas. Il faut clairement encadrer les mentions qui figurent sur la carte afin que le consommateur s'y retrouve mieux. La première version du « fait maison » était inadmissible à nos yeux. Le décret listait un très grand nombre d'exceptions : pouvaient entrer dans la composition d'un plat « fait maison » tous les produits réceptionnés, épluchés, pelés, tranchés, coupés, hachés, nettoyés, désossés, dépouillés, décortiqués, taillés, moulus, broyés, fumés, salés, réfrigérés, congelés, surgelés ou décongelés ! Autant dire qu'on autorisait l'utilisation de pratiquement tous les ingrédients pré-transformés.
La nouvelle rédaction renforce certes le dispositif, mais certaines zones d'ambiguïté demeurent importantes. Peut-on réaliser une salade « faite maison » en ouvrant un sachet des légumes prédécoupés et lavés, accompagnés d'une vinaigrette « faite maison » ? J'ai vainement posé la question à plusieurs personnes. La DGE peut-elle nous répondre sur ce point ?
Nous demandons que la DGCCRF réalise des enquêtes qui nous éclaireront sur l'application de la directive par les professionnels. Ce n'est que concrètement, sur le terrain, qu'on identifiera les zones d'ombre et qu'on éclaircira les modalités d'affichage, afin qu'elle soit parfaitement lisible par le consommateur. Le nouveau logo doit-il figurer de manière générique sur la carte, face au nom de chaque plat, ou bien à l'entrée de l'établissement ? Comment s'articulent l'encadrement du « fait maison » et la protection du titre d'artisan cuisinier ? Le consommateur devra-t-il éplucher toute la carte avant d'entrer en toute confiance dans un établissement, ou y aura-t-il un signe plus explicite sur la devanture ?