Les responsables de la crise financière, nous le savons, sont à rechercher notamment outre-Atlantique : un certain nombre d'établissements financiers ont trop prêté du fait d'une notation et d'une confiance excessives, ce qui a contribué à faire dévisser des marchés. Il s'est ensuivi un renforcement considérable des règles prudentielles, fondé sur la notion même de risque. Or, un risque de marché est un risque partagé. Et, dans un modèle de financement intermédié tel que le nôtre, les banques sont nettement plus concernées par les procédures de régulation que dans le modèle financiarisé anglo-saxon.
Je suis frappé, pour ne pas dire choqué, que, lors du Conseil ECOFIN de vendredi dernier, les banques anglaises aient obtenu, une fois de plus, une exonération, au motif qu'elles présentent un faible risque compte tenu du caractère essentiellement financiarisé de l'économie britannique. Cela crée un désavantage compétitif considérable pour le secteur bancaire français. En effet, la régulation du risque coûte cher : du fait de l'ensemble des normes prudentielles qui ont été mises en place, les banques doivent compenser chaque fois qu'un client emprunte trop ou a un découvert important. Actuellement, prêter ou accorder un découvert à un client qui présente un risque au regard de la notation interne coûte beaucoup plus cher à une banque française qu'à une banque anglaise, car le risque n'est pas calculé de la même façon.
Au cours des années passées, nous ne nous sommes pas assez battus pour défendre le modèle de financement de notre économie et nous avons laissé le modèle anglo-saxon s'imposer. Il y a désormais de quoi s'inquiéter pour notre modèle !
Notre commission devrait suivre ce sujet de très près. Nous aurons l'occasion de l'aborder à nouveau dans quelques semaines, lorsque la mission d'information sur les normes prudentielles et le financement non bancaire de l'économie, que je préside et dont Valérie Rabault est la rapporteure, remettra son rapport.
La loi du 26 juillet 2013, qui complétait celle du 22 octobre 2010, était nécessaire à bien des égards. Le travail que nous avons réalisé avec Karine Berger montre qu'elle est plutôt bien appliquée. Mais nous ne sommes qu'au début du chemin. Et le bras de fer auquel nous assistons au niveau européen sur l'opportunité de généraliser ou non la loi française illustre bien la lutte d'influence entre le modèle intermédié et le modèle financiarisé, lequel cherche à imprimer sa marque à l'échelle mondiale. Nous ne sommes pas au bout de nos peines. Ne sous-estimons pas l'enjeu qui est devant nous.