Madame la présidente, monsieur le président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, madame la rapporteure, mesdames et messieurs les députés, pour commencer, je vous prie de bien vouloir excuser l’absence du ministre de l’intérieur, en déplacement pour marquer le soutien de la France après les attentats de vendredi en Tunisie.
Vous êtes à nouveau appelés à examiner la proposition de loi visant à permettre la réouverture des délais d’inscription sur les listes électorales pour l’année 2015. Il s’agit de revenir, de façon exceptionnelle, sur le principe de révision annuelle des listes électorales prévu par l’article L. 16 du code électoral. Comme le ministre de l’intérieur l’avait indiqué en première lecture, cette proposition de loi s’inscrit naturellement dans le prolongement des travaux du Parlement : dans le prolongement, premièrement, du vote de la loi du 16 janvier 2015 relative à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral, qui a reporté les élections régionales au mois de décembre prochain ; dans celui, deuxièmement, des travaux de la mission d’information menée par les députés Elisabeth Pochon et Jean-Luc Warsmann, que je veux ici devant vous à nouveau remercier.
Leur rapport conjoint, remis en décembre 2014, formulait vingt-trois préconisations et rappelait la nécessité de lutter contre l’éloignement de certains électeurs potentiels de l’institution électorale, estimant à 3 millions le nombre de non-inscrits et à 6,5 millions celui des mal-inscrits. Toutes les élections récentes, y compris les départementales de mars dernier, ont démontré combien il y avait urgence à faire face au fléau de l’abstention. Cette abstention mine notre démocratie, et nous devons soutenir toutes les initiatives visant à l’endiguer. Dans la perspective des élections régionales de la fin de l’année, vous avez donc jugé, madame la députée Elisabeth Pochon, qu’il était urgent d’agir. Le Gouvernement vous soutient, d’autant plus que c’est la première fois depuis 1965 qu’un scrutin aura lieu en fin d’année.
Ce n’est ni le lieu, ni le jour de refaire la réforme territoriale, qui a été adoptée. Mais je rappelle que la date de ce scrutin permettra aux nouveaux conseils régionaux fusionnés de se mettre en place au 1er janvier, seule date permettant de tenir compte des contraintes budgétaires et fiscales qui pèsent sur les collectivités. C’est une contrainte technique à laquelle tout le monde peut souscrire.
Afin de tenir compte du caractère exceptionnel de la date de ce scrutin, il fallait donc une mesure exceptionnelle. On ne peut pas s’indigner, le soir de chaque élection, de la faiblesse du taux de participation et ne rien faire pour lutter contre ce fléau. Elisabeth Pochon a pris l’initiative de déposer cette proposition de loi, et je l’en remercie, au nom du Gouvernement. En effet, sans ce texte, les élections de décembre 2015 se feraient sur la base des demandes d’inscription déposées près d’un an avant, au 31 décembre 2014, ce qui créerait un décalage flagrant auquel nous avons le devoir d’y remédier.
Certes, le code électoral, avec son article L. 30, prévoit déjà des dérogations permettant une inscription en dehors des périodes de révision annuelle des listes, notamment pour les électeurs déménageant pour motifs professionnels. Ce dispositif, néanmoins, ne saurait être généralisé. En effet, parce qu’il évince l’INSEE des échanges, il contribue aux doubles inscriptions, qui fragilisent la sincérité du corps électoral. Pour permettre aux Français qui auront déménagé entre le 31 décembre 2014 et l’été 2015 pour des motifs non professionnels – et ils seront nombreux – à s’inscrire dans le courant du mois de septembre 2015, il convient par conséquent d’adopter la réforme telle que votée par votre assemblée en première lecture.
Ainsi, le rapprochement entre la date butoir d’inscription sur les listes électorales et le moment où se déroule le scrutin permettra d’obtenir un corps électoral plus sincère, basé sur des listes électorales plus représentatives. Les communes attendent les instructions des préfectures sur les mesures à mettre en oeuvre pour préparer cette révision exceptionnelle. Le Gouvernement est prêt à prendre le décret d’application visé par l’article 2 de la proposition de loi et à transmettre les instructions adéquates aux préfets, qui les relaieront aux communes peu avant les congés estivaux.
Il nous faut donc faire vite, tout en préservant dans le dispositif un délai de deux mois, entre début octobre et fin novembre, pour que les commissions communales puissent procéder aux inscriptions et radiations. C’est un minimum incompressible, qui va déjà exiger beaucoup de l’INSEE et des communes. Si nous voulons réduire ce délai, nous devons changer le système. Telle est d’ailleurs bien la volonté du Gouvernement, et je le redis ici sans ambiguïté : c’est une réforme plus structurante que le Gouvernement appelle de ses voeux. Nous devons d’ores et déjà envisager de franchir une étape supplémentaire, et le Gouvernement souhaite que nous le fassions ensemble.
Mesdames et messieurs les députés, le Président de la République s’est en effet clairement exprimé en faveur d’une modernisation de l’accès au scrutin, avec l’ambition que, en 2017, nos concitoyens puissent s’inscrire dans un délai d’un mois précédant l’échéance électorale, et non plus seulement l’année précédant le scrutin. Le rapport Pochon-Warsmann partage cette ambition et a formulé en ce sens des propositions très concrètes. Nous avons d’ores et déjà, avec ces deux députés, comme le ministre de l’intérieur s’y était engagé devant vous le 30 mars dernier, commencé à travailler depuis quelques semaines à une telle réforme. C’est là un enjeu républicain, qui doit nous rassembler par-delà nos différences.
Mesdames et messieurs les députés, vous l’aurez compris, le Gouvernement apporte un soutien sans réserve au texte de votre commission, dans les termes votés en première lecture. Ce texte permet de prendre la mesure de l’échéance qui nous attend au mois de décembre, une échéance électorale pour chacune de nos formations politiques, mais également une échéance républicaine face au risque de l’abstention. Il ne s’agit pas d’un solde de tout compte : franchissons cette première étape et préparons la suivante.