Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, madame la rapporteure, chers collègues, l’abstention – le renoncement à l’exercice de l’un de nos droits les plus fondamentaux – est un mal grandissant de notre démocratie. Si elle est bien souvent le signe d’un désintérêt, voire d’un rejet de la politique, entretenu il est vrai par les postures, les caricatures et les extrêmes, l’abstention peut aussi s’expliquer parfois par de simples raisons techniques. Mal informés, ignorant les démarches administratives à effectuer, certains de nos concitoyens n’exercent pas leur droit de vote parce qu’ils sont mal ou non-inscrits.
Le rapport sur les modalités d’inscription sur les listes électorales, co-écrit par la rapporteure Elisabeth Pochon et par Jean-Luc Warsmann, avait bien identifié ce phénomène de mal et de non-inscrits. En 2012, on comptait ainsi 3 millions de non inscrits, un chiffre en progression continue depuis 2007. Quant aux personnes mal inscrites, c’est-à-dire inscrites dans un bureau de vote qui ne correspond plus à leur lieu de résidence effectif, elles auraient été quelque 6,5 millions en 2012.
Il va de soi qu’ayant changé de région, même la personne la plus désireuse d’exercer son droit de vote aura peu de chances de retourner dans son ancien lieu de résidence dans le seul but de voter. En légiférant, nous pouvons faire en sorte que ces personnes ne soient pas des abstentionnistes supplémentaires.
Le rapport de nos collègues a également révélé le phénomène de déconnexion du calendrier d’inscription avec le rythme démocratique. L’arrêt, dans la majorité des cas, des demandes d’inscription au 31 décembre de l’année précédente ne correspond pas aux dates auxquelles ont traditionnellement lieu les élections. Depuis 1959, en effet, la majeure partie des élections se tient après le mois de mars, date à laquelle l’inscription déposée l’année précédente prend effet.
Par conséquent, le calendrier d’inscription est propice à l’exclusion du processus de nombreux électeurs potentiels. Il ne permet pas à ceux qui sont les moins sensibilisés à la politique et les moins susceptibles d’être mobilisés pendant les campagnes électorales de s’inscrire à temps pour voter lors d’élections que plusieurs mois séparent parfois de la date limite d’inscription. Cette déconnexion sera d’autant plus flagrante cette année que les élections régionales auront lieu en décembre.
Certes, la loi prévoit aujourd’hui quelques dérogations, en cas d’acquisition de la nationalité entre-temps ou de déménagement pour raisons professionnelles par exemple. Néanmoins, ces dérogations sont marginales et ne prennent pas en compte la mobilité croissante de nos concitoyens, en particulier celle des jeunes majeurs.
En outre, l’inscription automatique à dix-huit ans a certes permis de réduire considérablement la non-inscription depuis sa mise en place en 1997, mais nous pouvons aller plus loin.
Face à ces constats, nous avons désormais la possibilité d’agir concrètement pour limiter ces phénomènes en assouplissant les délais. La présente proposition de loi prévoit d’adapter la procédure de révision des listes électorales au report de mars à décembre 2015 des élections des conseillers régionaux. La date limite de dépôt des demandes d’inscription serait donc exceptionnellement fixée au dernier jour du mois de septembre 2015, soit au plus tard deux mois avant la date d’entrée en vigueur des listes électorales.
En outre, les jeunes qui atteindront l’âge de dix-huit ans au plus tard la veille du scrutin de décembre pourront s’inscrire s’ils n’ont pas bénéficié de la procédure d’inscription d’office. Il en ira de même des personnes qui bénéficieront de la nationalité française ou recouvreront l’exercice du droit de vote à cette même date.
Comment pourrions-nous nous y opposer ?