Intervention de Pascal Popelin

Séance en hémicycle du 29 juin 2015 à 16h00
Réouverture exceptionnelle des délais d'inscription sur les listes électorales — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPascal Popelin :

Les modalités d’inscription sur les listes électorales, qui donnent aux citoyens l’accès à ce droit si précieux, même si beaucoup oublient d’en apprécier le prix, qu’est le fait de choisir librement leurs représentants par leur vote, demeurent trop lourdes dans notre pays.

Malgré de significatives réformes menées par le passé – je pense en particulier à la loi du 10 novembre 1997 relative à l’inscription d’office des personnes âgées de dix-huit ans, votée à l’initiative du gouvernement de Lionel Jospin – le nombre de nos compatriotes qui ne sont pas inscrits, ont été radiés à leur insu ou doivent être considérés comme mal-inscrits demeure beaucoup trop important.

Environ 6,5 millions d’électeurs seraient touchés par le phénomène de la « mal- inscription » qui, si elle peut certes découler d’une forme de négligence, tient aussi à la rigidité des règles liées à l’établissement des listes électorales en France. Et 6,5 millions de Françaises et de Français, cela représente environ 15 % du corps électoral, principalement parmi les populations les plus mobiles, en particulier les jeunes, dont les études estiment qu’ils constitueraient plus de la moitié des mal-inscrits de notre pays.

Malgré tous les efforts déployés par l’immense majorité des maires, sur instructions légitimes des préfectures, pour tenir à jour leurs listes électorales, on sait le nombre de paquets de cartes d’électeurs et autres qui s’empilent dans les bureaux des élections de nos hôtels de ville après avoir été retournés par La Poste, ornés de la mention « Destinataire inconnu à l’adresse indiquée », à l’approche de chaque scrutin !

Même si elle n’est pas la plus commentée, la mal-inscription est l’une des premières causes de l’abstention, qu’elle soit épisodique ou durable. Ainsi, durant l’année 2012, qui vit l’organisation des deux tours de l’élection présidentielle puis des deux tours des élections législatives, moins de 10 % seulement des bien-inscrits n’ont participé à aucun de ces quatre tours de scrutin, mais cette proportion dépasse les 28 % s’agissant des mal-inscrits.

La commission des lois de notre assemblée a décidé, le 17 septembre dernier, de se préoccuper de ce sujet qui revêt une importance certaine dans une démocratie que l’on dit essoufflée, ce qui est sans doute excessif, mais qui n’en a pas moins grand besoin de faire de multiples efforts pour susciter de nouveau l’appétence des Français.

Ainsi fut créée la mission d’information sur les modalités d’inscription sur les listes électorales, dont l’animation a été confiée à nos collègues Elisabeth Pochon et Jean-Luc Warsmann. Leur rapport, publié trois mois plus tard, le 17 décembre 2014, formulait vingt-trois propositions d’ampleur et de nature juridique différente dans le but d’opérer une profonde réforme de notre système d’inscription sur les listes électorales, qui n’est plus adapté à la société du XXIe siècle, à l’heure où la stabilité résidentielle tout au long de la vie n’est plus la norme générale et dans un monde de plus en plus connecté qui s’accommode de plus en plus mal des files d’attente à un guichet et de l’obligation d’anticiper les démarches.

Parmi ces vingt-trois propositions, la première suggérait de tenir compte, dans les opérations de révision et d’établissement des listes électorales de l’année 2015, du report de mars à décembre 2015 des élections des conseillers régionaux, report qui était déjà envisagé et qui a été confirmé par l’adoption de la loi du 16 janvier 2015 relative à la nouvelle délimitation des régions. Le rapport recommandait en conséquence de prévoir, à titre exceptionnel, une seconde révision des listes électorales au cours de l’année 2015.

Traduire dans notre droit cette préconisation en prévoyant un calendrier compatible avec la date du prochain scrutin régional était la finalité de la proposition de loi du groupe socialiste, républicain et citoyen adoptée par notre assemblée en première lecture le 30 mars dernier. Une adoption conforme de ce texte eût été un geste utile au succès de cette entreprise relativement modeste. À défaut, un accord au sein de la commission mixte paritaire qui s’est tenue le 10 juin dernier aurait assurément fait l’affaire. Il n’en fut rien et je le regrette.

En décidant de restreindre la réouverture des inscriptions sur les listes électorales aux personnes ayant déménagé en cours d’année, le Sénat avait amoindri la portée de la proposition initiale. En privilégiant et en pérennisant des dispositifs d’ajustement des listes hors période de révision, il allait en outre à rebours de l’évolution souhaitable des conditions d’inscription sur les listes électorales. Au lieu d’assouplir les conditions d’inscription « hors période », nos pensons qu’il conviendra dans l’avenir de renoncer à la dichotomie actuelle entre inscription « en période » et inscription « hors période » en instaurant la possibilité d’une révision permanente des listes électorales, qui ne doivent être figées que le plus tard possible avant la date d’un scrutin. Rapprocher la date de clôture des inscriptions de celle du scrutin, c’est accroître la garantie de fiabilité des listes et s’adapter au nouveau rythme démocratique que souhaitent nos concitoyens.

Je me réjouis donc que nous ayons rétabli en commission, la semaine dernière, les dispositions initiales de cette proposition de loi.

En refusant de s’accorder lors de la CMP, peut-être nos collègues sénateurs ont-ils aussi souhaité jouer la montre, imaginant que le calendrier chargé de cette fin de session ordinaire et de la session extraordinaire qui va s’ouvrir mercredi ne supporterait pas le poids d’une deuxième lecture dans chacune des deux chambres et d’une lecture définitive par notre assemblée, ce qui rendrait la proposition caduque par la force du temps…

Et pourtant, permettre au plus grand nombre possible d’électeurs de prendre part aux élections régionales qui se tiendront en décembre prochain est un objectif qui aurait pu, qui aurait dû et qui peut encore nous rassembler. C’est en tout cas un objectif démocratique louable qui ne devrait effrayer aucun d’entre nous. À ce titre, je salue les propos que vient de tenir Michel Piron au nom du groupe UDI.

En proposant la réouverture exceptionnelle, en 2015, des délais d’inscription sur les listes électorales jusqu’au 30 septembre, nous n’avons qu’une préoccupation : faciliter la vie citoyenne des Français, dans le contexte particulier cette année d’un scrutin qui aura lieu, pour les raisons que l’on sait, au mois de décembre, selon un calendrier inédit dans notre histoire démocratique récente.

Je vous l’avoue, je trouve quelque peu préoccupant que cette légitime préoccupation préoccupe à ce point certains de nos collègues !

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