Intervention de Guy Geoffroy

Séance en hémicycle du 29 juin 2015 à 16h00
Réouverture exceptionnelle des délais d'inscription sur les listes électorales — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGuy Geoffroy :

Il importe de le dire car, de contrevérités en contrevérités, le texte chemine dans des conditions qui posent problème.

Il faut toujours se méfier des lois d’exception. Celle-ci ne porte pas trop à conséquence mais n’en est pas moins une loi d’exception, qui d’ailleurs se revendique comme telle. Elle prétend régler un seul problème, et d’un seul coup – un problème qui ne se reproduira pas sur ces bases-là. Elle n’a qu’un objectif : la réouverture des listes électorales en vue des élections régionales de la fin de cette année, dans des conditions déjà rappelées.

Je répète ici le plus posément du monde, après l’avoir dit à plusieurs reprises en commission, combien il est dommage que l’on use et abuse ainsi de l’excellent travail réalisé par notre rapporteure, s’agissant tant du texte que nous étudions aujourd’hui que de la mission menée avec Jean-Luc Warsmann. Celui-ci a eu l’occasion de dire qu’il est un peu exagéré de s’appuyer ainsi sur sa contribution à ce travail. Il me l’a redit récemment et le répétera en toute occasion. Il est vraiment dommage de ne retenir qu’une seule des vingt-trois propositions, en outre édulcorée, transformée et dédiée à une opération politicienne prévue pour la fin de l’année 2015.

Vous prétendez, chers collègues de la majorité, certes de moins en moins fort mais tout de même, que la proposition de loi a pour objectif de lutter contre l’abstention, qui devient en effet un véritable fléau pour la démocratie. Certes, son existence favorisera éventuellement l’inscription de certains de nos concitoyens sur leur nouvelle liste électorale afin de participer au scrutin des régionales, mais vous conviendrez que ceux qui iront s’inscrire sont généralement suffisamment mobilisés pour avoir accompli ce geste citoyen dans le cadre de leur ancienne liste électorale. Ils ne font donc pas partie des abstentionnistes et l’argument avancé n’est pas bon.

L’abstention, récente en particulier, n’est-elle pas due à autre chose ? N’est-elle pas due en particulier à ce que symbolise la présence ici aujourd’hui de Mme la ministre de la décentralisation et de la fonction publique et de Mme la secrétaire d’État chargée de la politique de la ville ? Cela fait trois mois que les conseils départementaux sont installés et la loi arrêtant définitivement leurs attributions n’est toujours pas votée : elle est encore en pleine navette, ce dont la présence de Mme Lebranchu dans cet hémicycle est la démonstration !

N’y a-t-il pas là l’une des raisons majeures de la désaffection de nos concitoyens pour des élections dont ils ne comprennent plus le sens ? Tous les élus de terrain que nous sommes ont entendu, en février et en mars, pendant la campagne des élections départementales, nos concitoyens s’interroger sur ces nouveaux conseils départementaux qu’on appelait hier conseils généraux, se demandant quelles seront leurs compétences. Nous leur avons tous répondu que nous ne le savions pas encore car la loi chargée de répartir les compétences n’a pas encore été votée et le sera probablement courant 2015 !

Le Gouvernement prétend que cette proposition de loi est nécessaire en raison du calendrier prévu par la loi du 16 janvier 2015, qui retient la fin de l’année 2015 pour les élections régionales. Mais comme je l’ai dit à plusieurs reprises, en commission et lors de la première lecture, il ne faut pas trop se moquer du monde ! Je vous invite à relire un bref paragraphe de la déclaration de politique générale de M. le Premier ministre, prononcée le 16 septembre dernier ici-même, à la place que j’occupe aujourd’hui devant vous : selon lui, le calendrier était clairement déterminé et il n’y avait plus de raison d’envisager la tenue concomitante des élections départementales et régionales, qui auraient lieu respectivement en mars et en décembre 2015. C’était décidé ! Et la loi NOTRe, étudiée au Parlement avant la fin de l’année 2014, est venue confirmer ces dates.

Et l’on nous dit à présent que c’est parce que la loi fixant le nouveau périmètre des régions et le calendrier électoral date de janvier 2015 qu’il faut envisager maintenant la réouverture des listes électorales ? Mais pourquoi M. le Premier ministre n’a-t-il pas pensé dès le mois de septembre dernier, avec le soutien de sa majorité, à prévoir de telles dispositions ? Elles auraient été par exemple pu être inscrites justement dans cette loi de janvier 2015 : la réouverture exceptionnelle des inscriptions sur les listes électorales pour les élections de décembre 2015 en aurait été la conséquence naturelle.

J’ai une petite idée de ce qui a pu se produire. Tous en effet, nous avons entendu parler de cette hypothèse qui était encore dans l’air à l’époque, qui aurait voulu que les élections régionales se déroulassent en mars 2016, ce qui permettait de s’en tenir à l’inscription ordinaire sur les listes électorales, sans nul besoin de modifier le calendrier. Mais du côté du Conseil constitutionnel, on faisait savoir, après un report de mars 2014 à mars 2015, puis à décembre 2015, que mars 2016, cela commençait à faire beaucoup ! Très sagement et très prudemment, vous avez donc décidé de vous en tenir à décembre 2015.

Tout ce que prévoit la présente proposition de loi est malheureux et malencontreux. Elle ne peut que laisser le sentiment que derrière chacune de vos actions et de vos propositions, il y a un loup qui sommeille. Ce n’est pas de très bon aloi.

Signalons pour conclure que la quatorzième législature donnera certainement à de nombreux étudiants en droit parlementaire l’occasion de gloser sur le thème « De l’usage de la procédure accélérée ». Le Gouvernement n’a pas manqué une occasion d’y recourir, depuis le début de la législature – ce texte en est un exemple supplémentaire – et dans des conditions qui font échouer la CMP trois fois sur quatre. Pour une procédure accélérée, c’est plutôt raté : la plupart du temps, vous avez abouti à un allongement des délais d’examen du Parlement ! Là aussi, vous commettez une erreur, sans parler du ridicule.

Bref, nous aurions pu nous entendre sur des dispositions ne prêtant pas à suspicion. Le texte du Sénat le permettait, car il s’inscrivait dans l’esprit du travail de la mission évoquée précédemment. Mais vous n’avez rien fait pour dissiper la suspicion. C’est la raison pour laquelle, à l’issue de cette lecture comme des précédentes, le groupe Les Républicains votera délibérément et tranquillement contre cette proposition de loi.

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