Intervention de Jeanine Dubié

Séance en hémicycle du 29 juin 2015 à 16h00
Nouvelle organisation territoriale de la république — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJeanine Dubié :

Le remodelage de la carte intercommunale ne peut conduire à éloigner la montagne des centres de décision par manque de relais légitimes ou de moyens, sauf à accepter la constitution de véritables friches territoriales dans les zones en marge.

La loi du nombre joue mécaniquement contre les zones de montagne, caractérisées par des territoires étendus à faible densité de population. Le risque, demain, est que la montagne ne soit plus prise en compte au sein des futures régions et des intercommunalités élargies.

Parmi les treize futures régions, sept auront au moins une partie de massif de montagnes sur leur territoire. Inscrire dans la loi l’obligation, pour les régions comprenant des zones de montagne, d’intégrer, dans leur schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires, un volet montagne avec des crédits dédiés et le fléchage d’une délégation ou d’une vice-présidence à la montagne garantirait que la spécificité des territoires de montagne sera prise en compte.

Le volet spécifique montagne, ainsi que la consultation du comité de massif dans l’élaboration du futur SRADDET constituaient deux avancées obtenues lors de la navette parlementaire, mais elles ont été supprimées. Ce n’est pas acceptable. Plusieurs amendements identiques visant à réintroduire ces deux avancées dans le texte seront défendus avec opiniâtreté en séance par des députés de la montagne de toutes sensibilités politiques et de tous les massifs.

S’agissant de la détermination du juste seuil en matière d’intercommunalité, la bonne méthode consiste à faire confiance à l’intelligence territoriale des élus en prévoyant des dérogations liées non seulement à la densité démographique, mais aussi à la spécificité des territoires : relief, altitude, climat.

Or, la loi NOTRe va conduire à des intercommunalités tentaculaires indifférentes aux réalités de la montagne, et rompre le lien de proximité entre les élus et les territoires. La rédaction actuelle de l’article 14 reconnaît l’adaptation montagne en dessous du seuil de droit commun de 20 000 habitants uniquement pour les futurs EPCI composés exclusivement de communes de montagne. Cette définition, très limitative, revient à exclure du bénéfice de l’exception montagne les EPCI qui incluent au moins une commune de plaine, et réduit d’emblée de plus de moitié les bénéficiaires théoriques.

Après le redécoupage des cantons, désastreux pour la représentation de la montagne, c’est l’avenir de la commune qui est en jeu. La vitalité des territoires ruraux est une chance pour la nation tout entière, et nous nous insurgeons contre l’approche technocratique de la réforme territoriale fondée exclusivement sur le modèle urbain et métropolitain. Nous refusons toute dilution de la montagne et des territoires ruraux dans une organisation de la République hors-sol.

Nous serons donc particulièrement mobilisés pour faire évoluer le texte de loi en assouplissant les dérogations au seuil de 20 000 habitants, car il est vital que la montagne puisse avoir une représentation propre, avec des élus clairement identifiés aux yeux de la population et des pouvoirs publics.

Le transfert obligatoire aux intercommunalités de la compétence tourisme, tout de même très spécifique, pose problème, du fait de son caractère transversal et de la difficulté pratique à mettre en oeuvre une politique touristique au niveau communautaire dans certains territoires. Il faut laisser aux communes la liberté de coopérer ou non avec l’intercommunalité dont elles dépendent en fonction du contexte local. L’intercommunalité s’est construite en France sur le principe du libre choix de regroupement, et sur des décisions individuelles et collectives clairement exprimées quant aux périmètres des regroupements et aux compétences transférées aux EPCI. Imposer aujourd’hui le transfert obligatoire de la compétence tourisme des communes aux intercommunalités revient à remettre en cause ce principe.

Plus que jamais, compte tenu du nouveau contexte institutionnel en évolution constante, les élus de la montagne considèrent que les principes hérités des années quatre-vingts, inscrits dans les lois de décentralisation et dans la loi montagne, doivent être respectés, sauf à assumer une véritable régression. Parmi les principaux acquis, le droit à la différence et son corollaire, le droit d’adaptation, est prévu à l’article 8 de la loi montagne : « Les dispositions de portée générale sont adaptées, en tant que de besoin, à la spécificité de la montagne. Les dispositions relatives au développement économique, social et culturel et à la protection de la montagne sont en outre adaptées à la situation particulière de chaque massif ou partie de massif. ». Grâce à cet article, la montagne doit pouvoir faire jouer son droit à la différence et à 1’adaptation normative.

En ce qui concerne les départements, vous le savez, les radicaux de gauche sont fortement mobilisés pour préserver leur existence. Nous avons été entendus par le Gouvernement, même si nous savons évidemment qu’en créant arbitrairement treize grandes régions, nous allons bouleverser les équilibres territoriaux. Une étude réalisée par France Stratégie sur la réforme territoriale et la cohérence économique met d’ailleurs en évidence que certains départements, en particulier celui que j’ai l’honneur de représenter, seront fortement déstabilisés par la réforme des régions. Dès lors, l’existence de l’échelon départemental sera d’autant plus nécessaire, en particulier dans les territoires ruraux et de montagne.

À l’ouverture de ces débats, nous resterons vigilants et attentifs afin que la place de cet échelon ne soit pas revue à la baisse. Nous entamons donc l’examen des quelque 1 500 amendements déposés en deuxième lecture avec l’intention de défendre cette démocratie de proximité, qui est incarnée quotidiennement par ces départements.

Nous vous proposerons de supprimer le Haut conseil des territoires. Nous rejoignons ici nos collègues sénateurs, considérant que cet outil ne viendrait que concurrencer inutilement le Sénat, déjà chargé de faire le lien entre l’État et les territoires.

Par ailleurs, l’affirmation de la vocation économique de la région ne doit pas conduire à la mise sous tutelle des autres collectivités territoriales. Nous vous proposerons d’autres amendements pour associer les départements à la détermination des schémas régionaux, qu’il s’agisse du schéma de développement économique, d’innovation et d’internationalisation ou du schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires. De même, nous souhaitons renforcer les possibilités d’adaptation offertes aux départements dans le cadre de la mise en oeuvre de ces schémas. Enfin, pour des raisons logistiques, nous vous proposerons de réintroduire les dates limites d’élaboration de ces schémas introduites par le Sénat.

Pour ce qui concerne les transports, nous demanderons que la gestion des transports à la demande ainsi que des transports scolaires reste de compétence départementale.

Nous souhaitons que les compétences relatives à l’économie sociale et solidaire ainsi qu’à la vie associative soient partagées entre les différents échelons.

De même, la fin de la clause générale de compétence au profit des départements doit prendre effet après un certain temps délai, afin de permettre aux départements de prendre en compte les mesures. Nous proposons donc le report de la mise en oeuvre de cette suppression au 1er janvier 2017.

Concernant le débat relatif au seuil des EPCI, les adaptations de l’article 14 au seuil des 20 000 habitants doivent être maintenues. De plus, nous pensons qu’il est judicieux de reporter le calendrier de révision de la carte intercommunale au 31 décembre 2016 au lieu du 31 mars 2016 ; et la date de création des nouveaux EPCI du 31 décembre 2016 au 31 décembre 2017.

Enfin, nous avons déposé plusieurs amendements relatifs à la collectivité territoriale de Corse afin d’adapter les dispositions à la création d’une collectivité unique, regroupant les compétences des départements et de la région. Nous souhaitons également réaffirmer notre volonté de mettre en place une taxe mouillage, applicable aux bateaux de plus de vingt-quatre mètres, afin que ces embarcations participent à la conservation durable des espaces marins protégés et à la réparation des dommages environnementaux résultant de leur mouillage.

Vous l’avez compris, les députés du groupe RRDP attendent beaucoup du débat en séance publique car, en l’état, ce texte n’est pas acceptable.

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