Je constate que les positions se rejoignent. Je ne disais pas « non », monsieur Bertrand, mais « oui » pour ce qui est de l’organisation de l’État et de la déconcentration. Il reste un certain nombre de décisions à prendre : nous ne sommes pas au bout du chemin, loin de là ! J’étais moi-même à Amiens récemment : des décisions sont effectivement attendues, qui seront prises pour le mois de juillet.
Mais les bonnes questions sont posées : elles rejoignent d’ailleurs celles d’Alain Rousset, avec qui j’en ai en parlé vendredi dernier, lors du congrès de l’Association des régions de France. Ainsi, on ne peut plus décrire les missions des DIRRECTE, les directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi, comme auparavant, dès lors que la compétence économique est attribuée aux régions. L’État devra donc retrouver la culture du contrôle : je me suis rendue hier dans une région où les élus se plaignaient de l’absence de contrôles de l’État pourtant nécessaires à certaines activités économiques. Vous avez donc raison : ce travail n’est pas terminé.
J’ajoute que, compte tenu de ce qui est proposé dans ce projet de loi – s’il est voté, car ce n’est encore qu’un projet –, nous avons aussi à nous interroger sur la présence de l’État dans les départements. Le sentiment d’abandon, dont on parle souvent, s’est manifesté à la fin des missions ATESAT – assistance technique de l’État pour des raisons de solidarité et d’aménagement du territoire –, en raison du nombre de fonctionnaires à l’appui desquels les collectivités ont dû renoncer. En bref, beaucoup de ces questions sont justes.
Concernant l’expérimentation, nous faisons face à une grande difficulté : si une région réussit une expérimentation, la Constitution, telle qu’elle est rédigée, nous oblige à en étendre le résultat, s’il est positif, à l’ensemble des régions de France. Telle est, depuis le début, notre difficulté. Si nous avons à la fois créé la CTAP et mis en place la délégation de compétences, c’est pour répondre à cette difficulté : oui, une région peut se voir déléguer une compétence par l’État sans que les autres régions, si cette délégation réussit, ne soient obligées de prendre cette compétence.
C’est toute la différence entre la délégation de compétences et l’expérimentation : ainsi, même si nous n’avions pas les moyens de réviser la Constitution, nous répondons positivement à votre interrogation. La délégation de compétences est possible ; à ce jour, une seule est officiellement déposée, une deuxième étant en cours de réécriture avec les régions, avec la prudence qui s’impose dans cette période concernant l’emploi – sur ce point, nous pourrons donner des réponses intéressantes. Ainsi, les questions posées sur les régions sont les bonnes questions ; nous devrons avancer sur ce point.
Je salue également M. Calmette pour son courage concernant les communes rurales. En effet, la situation actuelle n’est pas imputable à la loi NOTRe, celle-ci n’étant pas encore votée. Je constate avec vous d’extrêmes inégalités entre nos collectivités, tant en milieu rural qu’en milieu urbain.
Notre grand défi aujourd’hui tient à la profonde inégalité entre les territoires. Notre objectif, avec André Vallini, à l’issue du vote de ce projet de loi, est d’apporter des corrections aux dotations de l’État existant aujourd’hui, qui génèrent de nouvelles inégalités au lieu de les réduire. Une vraie question se pose ainsi : le rapport de la mission parlementaire montre que, à population égale et à catégories socio-professionnelles égales, les dotations de l’État vont de un à sept ! Nous avons donc un vrai défi à relever : il ne faut pas attendre, attendre et attendre encore – nous devons bien cela aux collectivités !
J’irai vite, monsieur Grouard, sur le débat sur les 400 000 ou 500 000 habitants dans les bassins d’emploi et les métropoles, débat que nous n’allons pas rouvrir ici. Vous savez très bien que notre idée initiale était « un peu moins de métropoles ». Pour tout un tas de raisons, d’ailleurs bonnes, nous en avons finalement augmenté le nombre. Désormais, nous devons trouver un équilibre région-métropole.
En outre, nous devons arrêter de laisser croire – je l’ai dit à Amiens récemment – que le nom institutionnel d’un lieu, tel que « capitale », fait sa force. Quand on s’installe à Amiens, on ne s’installe pas dans la « capitale régionale » : on va « à Amiens » ! On crée son entreprise « à Amiens », on fait ses études « à Amiens » ! On ne va pas faire ses études à Amiens parce qu’elle est capitale régionale. Nous devons faire attention à ne pas créer d’inégalités potentielles avec les noms de nos institutions – attention à ce que nous faisons réellement ! Nous parlons bien de l’organisation territoriale de la République et non de la création de strates qui seraient supérieures, ou supérieurement intéressantes pour les populations.
Je répondrai vite également à l’intervention de M. Molac, qui n’a en rien changé : c’est un régionaliste convaincu, et nous apprécions la façon dont il défend sa position.
M. Gaymard, qui n’est plus parmi nous, parlait de perte de temps et d’énergie : comme Alain Calmette et d’autres l’ont dit, si des accords avaient pu être obtenus avec les associations d’élus et si nos débats n’avaient pas été aussi complexes, nous aurions fini depuis longtemps ! Le Parlement a voulu que cela soit plus long, plus complexe et plus difficile, même si nous devons beaucoup au rapporteur, qui a proposé des solutions pour tenter d’avancer avec la Haute assemblée. Ce n’est pas nous qui sommes responsables de cette « perte de temps » !
Je remercie M. Le Bouillonnec pour ses propos sur la métropole du Grand Paris. Nous aurions pu nous arrêter là, c’était voté ; mais nous avons fait droit à une revendication majoritaire des élus – nous n’avons peut-être pas eu raison, mais nous l’avons fait. Or, quand on entend les commentaires que cela a ensuite suscités, on se dit qu’au fond, on aurait pu s’en tenir à l’article 12 et ne pas le modifier ! Rouvrir la discussion à la demande des élus n’est peut-être pas toujours une bonne idée ! Quoi qu’il en soit, nous l’avons fait à la demande des élus : il serait de bon ton qu’ils reconnaissent que c’est à leur demande que nous avons rouvert l’article 12 ; cela me semble important.
Monsieur Dolez, j’ai reçu les maires ruraux avec André Vallini – ils étaient 117 – et nous avons eu une bonne discussion avec eux. L’une des revendications fortes que nous avons entendues portait sur la fin des communes nouvelles. Ainsi que j’ai déjà eu l’occasion de le dire, les communes nouvelles sont une initiative, non pas du projet de loi NOTRe, mais de membres de l’Association des maires de France. Il faudrait donc que les maires ruraux de l’Association des maires de France et l’Association des maires ruraux de France se mettent quelque peu d’accord sur ces objectifs : ils sont en effet aujourd’hui partagés.
Leur deuxième revendication porte sur l’absence d’intercommunalité imposée ; nous verrons que nombre d’adaptations ont été proposées pour les communes rurales. Je pense que leur sentiment d’abandon tient à la fermeture des services publics – ce en quoi ils ont raison –, d’où l’intérêt pour nous de revenir à une rationalisation des services de l’État au niveau des régions, avec des services de l’État plus proches des communautés de communes rurales. Celles-ci ont en effet un défaut majeur, qu’elles reconnaissent et qu’elles ne pourront jamais surmonter : elles ne disposent pas de l’ingénierie suffisante pour porter les projets. Là réside leur plus grande difficulté.
Mme Dubié a évoqué plus spécifiquement les territoires de montagne, souhaitant que les comités de massif soient consultés : je pense qu’on pourra trouver un accord au cours de la discussion et avancer sur ce point. Alain Rousset en est d’ores et déjà d’accord ; je constate que chacun opine : nous allons donc parvenir à une avancée. Monsieur le rapporteur, vous qui me proposiez d’être positive, vous serez apparemment suivi par vos collègues !
M. Piron, qui est parti, aurait voulu pouvoir nous suivre ; mais, franchement, c’est nous qui aurions voulu pouvoir le suivre car son propos correspondait au premier texte de loi, dont peu de parlementaires à l’époque voulaient voir discutés les tenants et les aboutissants. Jean-Pierre Raffarin a dit récemment au Sénat qu’un texte de loi entré régionaliste au Parlement en sortait toujours départementaliste : est-ce une fatalité ? Selon lui, en 2004, ce n’était pas une fatalité : c’est parce que les socialistes avaient gagné les élections ! Il l’a dit au banc du Gouvernement ; c’est une parole publique. J’espère que l’on tirera les leçons de tout cela ! Je vous remercie pour cette discussion générale.