Je voudrais d'abord saluer la grande qualité de notre débat.
Le groupe UMP ne fait nullement grief au Gouvernement d'avoir choisi la procédure accélérée. Il était de son devoir, et de celui du Parlement, de se saisir dès que possible de ce sujet pour mettre un terme au vide juridique créé par la décision – par ailleurs incontestable – du Conseil constitutionnel.
Les deux définitions de l'article 1er concourent au même objectif : permettre au juge de se prononcer sur une incrimination pénale qui va à nouveau – et fort heureusement – porter le nom de harcèlement sexuel. Le premier élément de la définition témoigne de la volonté de décrire le mieux possible ce qu'est le harcèlement sexuel, même s'il faut se garder d'y enfermer le juge – qui ne l'accepterait d'ailleurs pas. Pour cela, il était très important de trouver les éléments permettant de faire face au risque d'une nouvelle question prioritaire de constitutionnalité qui viendrait porter un coup fatal – cette fois-ci – à la notion même de harcèlement sexuel. La définition qui permet de mieux connaître le processus conduisant, par répétition, à créer la situation de harcèlement sexuel était donc indispensable. Sans doute peut-on encore améliorer le texte à la marge ; nous devrions y parvenir grâce aux amendements qui ont été déposés.
Au moins aussi importante, sinon plus, est la deuxième partie de la définition, celle qui permettra au juge de dire qu'il y a bien harcèlement sexuel, même en l'absence de répétition. La justification du terme « connotation », monsieur Collard, c'est qu'il ne faut pas que le harcèlement soit uniquement incriminable au motif qu'il aurait eu une visée conduisant à un acte de nature sexuelle ; le délit doit pouvoir être constitué dès lors que les éléments mis en cause témoignent d'une volonté de harcèlement à partir de données qui ont une connotation sexuelle, que l'objectif soit de parvenir à un acte sexuel ou qu'il soit indépendant de toute visée sexuelle. Si paradoxal que cela puisse paraître, je serais même tenté de dire que le harcèlement est encore plus susceptible d'être affirmé – et condamné – lorsqu'il n'a pas l'excuse d'avoir pour visée un acte de nature sexuelle, auquel cas on peut être à la limite entre la volonté de plaire et ce qui aura ensuite été analysé comme du harcèlement.
Je salue par ailleurs le juste positionnement adopté à l'article 2. Il était important de ne pas se perdre dans le délit de harcèlement sexuel stricto sensu, mais de profiter de la volonté de parler du harcèlement dans un autre champ que celui de la seule relation sexuée pour bien traduire notre volonté de ne pas accepter une discrimination de plus dans ce champ. Je suis donc moins troublé que certains de mes collègues par l'apparition dans ce texte de la notion d'identité sexuelle, surtout lorsqu'il est établi – et nos débats en feront foi – qu'il n'y a pas de changement de champ, et qu'on ne parle pas d'identité sexuelle au lieu d'identité de genre. C'est là un autre débat – que nous devrons avoir.
J'évoquerai enfin la proposition de Pascale Crozon et la réponse que vous y avez apportée. Nous sommes ici dans le champ des violences et dans le continuum de la lutte contre toute forme de violence – violences sexuelles et de genre, violences au sein de la famille, du couple, ou tout autre type de relation permettant de manifester ou de prolonger un acte de domination d'un individu sur un autre. Vous comprendrez donc que j'évoque les violences faites aux femmes et la demande de création d'un observatoire que nous avions formulée lors de l'examen de la loi du 9 juillet 2010 relative aux violences faites spécifiquement aux femmes, aux violences au sein des couples et aux incidences de ces dernières sur les enfants. La réponse qui nous a été apportée n'est en effet pas satisfaisante. Membre du conseil d'administration de l'Institut national des hautes études de la sécurité et de la justice (INHESJ), j'ai accepté l'expérience d'un observatoire au sein de l'Institut. Force est cependant de constater – comme nous l'avons fait avec Danielle Bousquet dans notre rapport sur la mise en application de la loi – que l'objectif n'est pas atteint. Je rejoins ici ma collègue rapporteure de la délégation aux Droits des femmes. La dernière enquête nationale sur les violences faites aux femmes (ENVEFF) remonte à douze ans ! Il faut qu'un observatoire dédié puisse mener régulièrement ces enquêtes, et je suis favorable à la création de celui-ci par la loi. Pourriez-vous nous expliquer les objectifs que vous entendez poursuivre dans un nouveau projet de loi sur les violences faites aux femmes ?
Le travail que nous avons conduit avec Danielle Bousquet témoigne d'ailleurs de notre difficulté à être compris par les magistrats sur ces sujets sensibles. Ils semblent avoir reçu cette nouvelle législation comme étant de trop, voire comme dérangeante par rapport au contexte juridique. Il serait donc prématuré d'aller au-delà en la matière aujourd'hui. Je fais en revanche une suggestion, monsieur le président. Voilà plus de six mois que Danielle Bousquet et moi-même avons rendu notre rapport ; il serait utile de renouveler l'exercice dans six mois, afin de vérifier si nous avons progressé. Nous serions ainsi plus à même de fixer de nouveaux objectifs sur les champs que nous n'avons pas abordés ou sur les points mal traités par la loi. Comme le harcèlement sexuel, les violences intrafamiliales sont un sujet sensible pour leurs victimes, mais aussi pour leurs auteurs. Il est indispensable de mettre en oeuvre une politique d'accompagnement de ces personnes qui sont par nature perverses. Protéger les victimes et les défendre, condamner les auteurs est évidemment essentiel. Mais protéger les auteurs contre eux-mêmes et faire en sorte qu'ils soient de moins en moins nombreux et ne récidivent pas est tout aussi important. S'il est un domaine où il faut consacrer des moyens au moins autant aux auteurs qu'aux victimes, c'est bien celui-là !