Intervention de Pierre-Yves Le Borgn'

Réunion du 17 juin 2015 à 16h30
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPierre-Yves Le Borgn', rapporteur :

Sur la longueur de l'amendement 2, qui commence à l'alinéa 9 pour aller jusqu'à la fin de la proposition de résolution, je voudrais dire qu'il ne s'agit pas de porter un jugement de valeur sur le travail accompli par Joaquim Pueyo, Marie-Louise Fort et plus généralement la commission des affaires européennes. Cela traduit plutôt la volonté de vous proposer un ensemble cohérent au lieu d'une multitude d'amendements ponctuels. J'ai dit à quel point le diagnostic de nos collègues me paraît juste, en ajoutant seulement quelques éléments complémentaires dans mon propos.

Nicole Ameline soulignait la nécessité de réécrire le rapport sur le SEAE qu'elle avait précédemment co-écrit. C'est probablement nécessaire au vu des développements récents.

Vous avez été nombreux à insister sur le sud. C'est pour cette raison que je souhaitais mettre l'accent sur la différenciation, qui vaut autant entre l'est et le sud qu'entre pays. On ne peut pas considérer de la même manière des régions aussi différentes.

S'agissant des notions de partenariat et d'élargissement, tant que l'on choisira de ne pas choisir et que l'on projettera une sorte de halo étrange en la matière, en laissant entendre que le partenariat est une sorte d'antichambre de l'élargissement, on ne prendra pas les décisions qui s'imposent et l'on ne mènera pas les politiques nécessaires. L'élargissement conduit à balayer un spectre considérable de sujets, alors qu'il faudrait se recentrer sur des priorités moins nombreuses mais plus fortes afin d'éviter le saupoudrage. Philip Cordery a raison de dire que l'une d'entre elles devrait être la politique de l'énergie, en particulier avec les partenaires du sud.

Le sud a-t-il perdu par rapport à l'est ? Il a certainement moins bénéficié de la politique de voisinage qu'il n'aurait dû. Mais la répartition « deux tiersun tiers » a-t-elle jamais vraiment existé ? C'est une règle ardemment défendue par la France, mais je n'ignore pas, comme l'observait Kader Arif, les jeux d'influence, notamment au sein de la Commission.

Il faut bien sûr rapprocher la politique de voisinage et celle de développement. A défaut de budgétisation, en effet, il est très difficile d'avoir le contrôle parlementaire qu'il faudrait. Il faut aussi un rapprochement avec la politique commerciale. On ne peut pas se permettre des logiques de silos parallèles à destination des mêmes zones.

L'absence d'association des sociétés civiles est peut-être l'un des défauts les plus marquants de la politique de voisinage. On ne parle pas aux gens et, au-delà des sociétés civiles, à tous ceux qui font vivre l'économie, la société, la culture dans chacun de ces pays. On ne peut pas en rester à un exercice « top-down ». L'association des sociétés civiles, mais aussi des collectivités locales, me paraît l'accroche d'une politique de voisinage refondée.

On n'a pas assez pris en compte les « voisins des voisins », à l'évidence. Je n'ai parlé que de la Russie, afin d'être concis, mais j'aurais pu parler aussi du Sahel.

Pour Jacques Myard, la politique de voisinage est vouée à l'échec parce qu'il s'agit d'un ersatz de politique étrangère européenne, laquelle par définition ne peut pas exister. C'est un débat qui n'est pas médiocre mais sur lequel nous pourrions sans doute être d'accord sur notre désaccord. Je ne crois pas que la politique de voisinage soit condamnée à l'échec. Une politique recentrée sur des priorités moins nombreuses et affichant clairement la couleur peut être couronnée de succès. Mais cela implique des changements majeurs.

Christophe Premat a évoqué la question des ambiguïtés lexicales et s'est interrogé sur la définition du partenariat privilégié. Il faudrait peut-être commencer par dire aux pays de l'extrême est de l'Europe, en particulier dans le Caucase, que la perspective d'une candidature n'est pas proche, ni même peut-être souhaitable à ce stade, pour nous comme pour eux, et qu'il est possible de réaliser dans le cadre de la politique de voisinage les pas nécessaires, notamment le développement de l'économie. Si j'ai mis l'accent sur cette question, c'est qu'il y a l'emploi derrière elle, en particulier l'emploi des jeunes. Cela me paraît plus efficace qu'une perspective fumeuse, lointaine et arbitraire d'entrée dans l'Union.

Comme Philip Cordery l'a rappelé, la Méditerranée et le sud en général ne sont pas la priorité de tous. Il ne faut pas se cacher derrière la réalité. C'est le rôle de la France et de ce Parlement de mettre l'accent sur une préoccupation et des objectifs méditerranéens.

La théorie des cercles concentriques, qui nous ramène à l'époque du Président Mitterrand, après la chute du mur de Berlin, reste profondément actuelle.

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