Je suis arrivé il y a deux ans à Agro Invest, dont l'équipe de gestion a été complètement renouvelée en 2014. Il y avait eu des accidents d'investissement, la performance du fonds n'était pas très bonne. Bpifrance a été l'un des acteurs demandant à poursuivre l'expérience. La durée de la société a été prolongée d'une dizaine d'années par l'ensemble des souscripteurs présents au tour de table, y compris ceux qui étaient hésitants. Bpifrance a joué un rôle très important d'entraînement.
Notre stratégie d'investissement est très précise et prévoit notamment une quasi-interdiction d'investir hors du territoire français, sauf exceptions à délibérer en conseil de surveillance. Le niveau d'exigence de rentabilité, qui peut paraître paradoxal s'agissant d'argent public, est au contraire un gage de performance et de réflexion sur la prise de risque.
Nous sommes une petite équipe de trois investisseurs, aux profils très complémentaires. Bpifrance exigeait une personne ayant une expérience suffisamment longue dans le métier d'investisseur. La deuxième personne vient de la banque d'affaires et connaît parfaitement le secteur dans lequel nous intervenons. Grâce à ce profil, nous parvenons à générer des dossiers non intermédiés, avec des prises de contact directes avec des entrepreneurs, ce qui nous permet de gagner un temps considérable dans la constitution du deal flow. Mon profil est beaucoup plus opérationnel et apporte également la dimension du conseil en stratégie. Ces profils complémentaires sont une garantie de succès.
L'articulation avec des fonds généralistes est pratiquement automatique dans notre cas, car nous n'intervenons qu'en participation minoritaire. Il est rare que nous intervenions seuls. Comme pour Capagro, nous sommes appréciés pour notre connaissance sectorielle, qui exerce un effet d'entraînement sur les fonds généralistes. Cela permet aux souscripteurs, dont Bpifrance, de davantage mutualiser le risque.
En matière de doctrine, je pencherais plutôt pour l'intervention via des fonds, sauf exceptions : de mon point de vue, Bpifrance pourrait intervenir en direct dans des situations de rebond, pour des entreprises fragilisées. Nous avons de tels dossiers dans notre portefeuille, mais très peu de fonds osent intervenir dans ces cas parce que la prise de risque est beaucoup plus importante.