Comme vous l'avez indiqué, un changement important s'est produit à compter du 4 novembre 2014 : en raison de sa taille, la BPI a été inscrite sur la liste des établissements dits significatifs, établie par la BCE. Pour tout ce qui concerne le dispositif prévu dans ce qu'on appelle le paquet CRD IV (capital requirements directive ou fonds propres réglementaires), c'est-à-dire toutes les dispositions prudentielles harmonisées au niveau européen, la supervision directe relève désormais de la compétence de la BCE.
L'ACPR avait agréé Bpifrance en 2013, au terme du processus qui a conduit à la constitution du groupe qui fait l'objet de votre mission d'information, et avant la mise en place d'un mécanisme de reconnaissance unique au niveau européen. Depuis le 4 novembre 2014, la BCE est devenue l'autorité d'agrément de Bpifrance. Tout changement dans les agréments, l'actionnariat ou l'organisation de ce groupe devra être examiné dans le cadre d'une procédure d'instruction conjointe entre l'ACPR et la BCE, étant entendu que la décision ultime sera prise par la BCE. L'ACPR conserve ses pouvoirs purement nationaux, et veille notamment au respect des textes sur la lutte contre le blanchiment ou sur la protection de la clientèle. Chacun comprend intuitivement que ces textes ne sont pas les plus importants pour la BPI, compte tenu de la mission qui lui a été confiée par l'État.
D'un point de vue prudentiel, la BPI est surveillée comme tous les autres établissements. Notre rôle, aux côtés de la BCE, n'est pas de nous prononcer sur la manière dont le groupe s'acquitte de la mission d'intérêt public qui lui a été conférée par la République française ; nous devons seulement vérifier qu'il respecte les règles de gestion prudente qui sont communes à tous les établissements de crédit agréés au niveau européen.
À cet égard et au vu des documents publiés – les seuls auxquels je vais me référer compte tenu de la nature publique de cette audition – nous pouvons dire que Bpifrance ne rencontre aucune difficulté particulière. Chacun peut constater que le groupe dispose de fonds propres importants – y compris selon la définition la plus stricte qui est désormais appliquée par toutes les autorités prudentielles européennes et mondiales – si on les compare à l'ensemble de son bilan et de ses risques pondérés. Dans ce domaine, il n'y a rien de particulier à signaler à votre commission. La croissance importante du bilan de Bpifrance est cohérente et elle correspond à ce qu'on attend d'elle. Si cette croissance se poursuit, les autorités prudentielles devront s'assurer que les fonds propres soient augmentés de façon proportionnelle pour que le groupe garde ses marges de manoeuvre actuelles.
Si elles sont attentives au critère quantitatif qu'est la mesure des fonds propres rapportés aux risques, les autorités de contrôle s'intéressent aussi à un indicateur qualitatif : les mécanismes de contrôle interne de gestion des risques dans l'établissement. Lorsqu'un groupe développe et diversifie ses interventions, nous veillons à ce que les moyens consacrés au contrôle interne soient renforcés. Les limites de risque doivent être non seulement définies mais aussi respectées dans la vie de tous les jours de l'établissement, et elles doivent faire l'objet de débats impliquant les organes de gouvernance.
Cette année, la BCE a décidé de s'intéresser tout particulièrement à ces dispositifs de gouvernance interne des établissements de crédit. L'une de ses priorités sera de s'assurer que les conseils d'administration soient bien impliqués dans la définition de ce qu'on appelle parfois l'appétit pour le risque, c'est-à-dire les limites de risques que l'on considère être capable de gérer de façon satisfaisante à l'intérieur d'un établissement. Cette gestion suppose à la fois une organisation interne de l'établissement et une remontée des délibérations dans les organes de gouvernance. Nous devons nous assurer que ces derniers disposent bien de toutes les informations nécessaires pour avoir une discussion fondée, utile et pertinente sur le niveau de risque accepté.
Pour l'instant, il n'y a pas de modification fondamentale par rapport à la situation que l'ACPR avait agréée en 2013 et, par conséquent, je n'ai pas de point particulier à vous signaler. Si Bpifrance poursuit son expansion, ce qui serait tout à fait conforme à sa mission, nous devrons vérifier, sur le plan quantitatif, que ses fonds propres augmentent de manière proportionnée et corrélative, et, sur le plan qualitatif, que ses mécanismes de contrôle internes sont adaptés aux éventuels changements d'activités, d'interventions ou d'intervenants. Les dispositifs de limites doivent être adaptés si les volumes d'activité augmentent, si les types d'intervention se diversifient ou si l'établissement s'ouvre à une clientèle un peu différente. Dans tous les cas, il doit y avoir un suivi rapproché au niveau le plus élevé des organes de gouvernance. Conformément aux priorités établies par la BCE, les autorités de contrôle vont renforcer les échanges avec les organes de gouvernance des établissements pour s'assurer de leur implication dans ce pilotage des risques.
Pour conclure, je dirais que, fort heureusement, il n'y a pas de questions particulières à aborder concernant Bpifrance. Cela étant, je suis à votre disposition pour répondre à d'éventuelles questions plus précises tant sur notre rôle ou les règles techniques qui s'appliquent à l'activité de Bpifrance que sur tout autre sujet.